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tion au sens propre et technique du mot (vocare in, appeler dedans). La divinité n’est pas seulement invitée à assister et à participer au sacrifice, mais à descendre dans l’offrande. C’est une véritable transsubstantiation qui s’opère. Sur l’appel qui lui est adressé, la déesse vient et amène avec elle toutes sortes de forces mythiques, celles du soleil, du vent, de l’atmosphère, du ciel, de la terre, des bestiaux, etc., etc. C’est ainsi que, comme dit un texte, on épuise sur l’iḍâ (part sacrificielle) tout ce qu’il y a de bon dans le sacrifice et dans le monde[1]. Alors, le prêtre qui la tenait en ses mains mange sa part[2] et, ensuite, le sacrifiant en fait autant[3]. Et tout le monde reste assis en silence jusqu’à ce que le sacrifiant se soit rincé la bouche[4]. Alors[5], on distribue leurs parts aux prêtres, qui représentent chacun un dieu[6].

    Taitt. Br., 3, 5, 8, 1 ; 3, 5, 13, 1 sqq. sont légèrement différents. — Cette invocation consiste essentiellement en une série d’appels de la divinité, qui est censée amener avec elle toutes les forces mentionnées, et d’autre part convier, à son tour, les prêtres et le sacrifiant à prendre leur part des forces ainsi amassées. Le sacrifiant dit, pendant une pause (Âp., IV, 19, 6. — T. S., 1, 7, 1, 2) : « que cette offrande (de lait de mélange) soit ma force ».

  1. Taitt. Br., 3, 5, 8 à fin ; 3, 5, 13 à fin.
  2. L’avântareḍâ, iḍâ supplémentaire qu’il tient dans l’autre main. (Voy. Weber, Ind. St., IX, p. 213). Il dit (Açv. çr. sû., 1, 7, 8 ; cf. T. S., 2, 6, 8, 1 et 2 : « Iḍâ, agrée notre part, fais prospérer nos vaches, fais prospérer nos chevaux. Tu disposes de la fleur de richesse, nourris-nous-en, donne-nous-en ».
  3. Le sacrifiant dit : « Iḍâ, agrée, etc…, puissions-nous consommer de toi, nous en corps et en âme (comm. à Taitt. Br.), nous tous avec tous nos gens » (T. B., 3, 7, 5, 6).
  4. Açv. çr. sû., 1, 8, 2.
  5. Certaine école prescrit un rite de présentation aux mânes (Kâty., 3, 4, 16 et 17). Le rite quoique ancien (V. S., II, 31) n’est qu’un rite d’école.
  6. Voir les mantras : Hillebrandt, N. V. O., 126 sqq. C’est ainsi que la bouche de l’agnîdhra (pretre du feu) est censée être la bouche même d’Agni. Les parts sacerdotales sont donc bien des parts divines. — Il ne s’agit pas ici, comme l’a vu M. Oldenberg, d’un repas en commun, d’un rite de communion sociale, quelles qu’en soit les apparences. Dans l’iḍâ, « la part du sacrifant » a une sorte de vertu « médecine » (Oldenberg) ; elle donne de la force au sacrifiant, « elle place en lui les bestiaux », comme disent les textes : paçûn yajamâne dadhâtiremar-