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de la fête des Korkokshi, c’est-à-dire de l’une des confréries de masques qui personnifient les dieux pendant les grandes fêtes générales du solstice d’été[1]. Les Korkokshi visitent le « lac des dieux » ; au fond de ce lac, les tortues habitent avec les dieux. Elles sont les « autres nous-mêmes » des Korkokshi ; ce sont les propres paroles prononcées par le maître de la confrérie à l’ouverture de la chasse que leur font les Korkokshi[2]. Quand les tortues sont prises on les frappe tout doucement jusqu’à ce qu’elles veuillent bien sortir la tête. Alors on les pend par le cou. On les porte ainsi pendues les premiers jours. Les jours suivants, la fête se continue dans un des temples souterrains du pueblo[3], où chaque Korkokshi doit venir danser à son tour. On a préparé des pots, un par tortue ; chaque-prêtre a son pot et sa tortue ; les pots sont rangés aux places où doivent s’asseoir les prêtres après leur danse. Tant que le prêtre n’est pas arrivé les tortues sont chacune dehors, devant son pot. Dès qu’un prêtre entre pour danser, on fait rentrer sa tortue. Ce rite montre que l’animal est le remplaçant de l’homme. La fête finie, les Korkokshi emportent leurs tortues chez eux, et les pendent pendant une nuit aux poutres du plafond[4]. Le lendemain, on les fait cuire. La chair a des vertus curatives. On en offre toujours une partie au « Conseil des Dieux », en la portant à la rivière[5]. C’est donc bien un sacrifice.

Seulement ce n’est pas un sacrifice totémique. Nous savons que les Korkokshi sont les dieux qui représentent les ancêtres de tout Zuñi et qu’ils sont en même temps les

    assisté qu’aux cérémonies pratiquées envers la tortue lorsque, à la fin de la fête, on la ramène à la maison.

  1. La description qui suit est résumée de Mrs Stevenson, The Zuñi Indians, 23d Annal Report of the Bureau of American Ethnology, p. 156 sq.
  2. Stevenson, loc. cit., p. 157.
  3. Ibid., p. 159.
  4. C’est à ce moment que se place le récit si vivant de Cushing, cité par M. Frazer, p. 150.
  5. Stevenson, loc. cit., p. 160, 161, n. a.