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ment à leur art, c’était un fait de la plus haute importance ; mais ce fait allait directement contre tout système où, sans tenir compte des phénomènes sociaux, de la crédulité publique, de la notion collective du pouvoir magique, on tentait d’expliquer la magie comme une simple application, quasi technique, des lois, quasi scientifiques, de la sympathie[1].

Nous avons tenté de rendre sa valeur à ce phénomène et de lui donner sa place dans une théorie de la magie[2]. C’est à étudier les textes mêmes où sont consignés un certain nombre des faits de cette espèce, observés parmi les sociétés extraordinairement arriérées de l’Australie, que nous consacrons cette étude. Nous faisons remarquer en effet qu’il s’agit là de groupements sociaux qui sont encore, si l’on en croit M. Frazer, à l’âge magique de l’humanité[3]. Il est, pour cette raison, très significatif d’y rencontrer de véritables corporations de magiciens et un système complet d’initiations et de révélations provoquées volontairement[4].

Nous avons choisi cette « province ethnographique », comme dirait M. Bastian, parce que les faits y sont particulièrement homogènes, comparables entre eux. De plus, les

  1. Nous faisons allusion aux théories de M. Frazer, The Golden Bough, 2e  éd., 1899, t. I, p. 15 et suiv. ; II, p. 370 et suiv. ; III, p. 460 et suiv. ; Le rameau d’or, trad. de Stiebel et Toutain, 1re  partie. La théorie de M. Jevons, Introduction to the History of Religion, 1897, p. 17 et suiv., cf. p. 379, 417, etc., n’est que l’exagération de celle de M. Frazer. M. Sidney Hartland, qui nous avait semblé s’y être rattaché dans sa Legend of Perseus, 1896, t. II, p. 55-116, s’en était expressément détaché dans son compte-rendu du Gold. B. de M. Frazer, paru dans Man, 1901, no 43, et depuis a trouvé relativement satisfaction dans la théorie que nous avons proposée (Folklore, 1904, p. 359 et suiv.).
  2. H. Hubert et M. Mauss, Esquisse d’une théorie générale de la magie, Année sociologique, t. VII, p. 37-41. Le présent mémoire est en partie destiné à montrer sur quelle substructure de documents critiqués repose notre théorie.
  3. Ram. d’Or, trad. fr., I, p. 75 et suiv.
  4. Cf. une intéressante discussion par M. Laurence Gomme sur les faits australiens décrits par M. Howitt, On Australian Medecine-Men, Journal of the Anthropological Institute of Great Britain end Ireland (dorénavant cité J. A. I.), XVI, p. 58.