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indéfiniment un événement qui est censé s’être passé en un point du temps, à une date fixée.

Mais, situer les mythes à l’origine des temps, « dans la nuit des temps », n’est-ce pas une simple et grossière figuration de leur éternité ? On serait en droit de le penser, s’il ne se produisait un autre phénomène, également fréquent, à savoir le rajeunissement des mythes. Nous en avons des exemples dans les fêtes qui sont pourvues de plusieurs mythes, ou dont l’institution est rattachée tour à tour à des causes et à des dates diverses, échelonnées dans le temps. À Rome, les Poplifugia ont commémoré successivement la fuite du peuple à la mort de Romulus, une autre fuite des Romains dans une guerre contre les Fidénates, puis, à partir de 42 av. J.-C., en vertu d’un sénatus consulte, le jour de naissance, conventionnel peut-être, de Jules César[1]. Dans l’Europe chrétienne, on a souvent rajeuni les saints patrons des fêtes paroissiales ; un saint plus jeune se juxtapose, parfois se substitue à un saint défraîchi. C’est ainsi que, par exemple, en Sicile, en Provence, le culte de François de Paule[2] s’est étendu. À Lezoux (Puy-de-Dôme), le patron de la paroisse est en train de céder la place à un Jésuite, son homonyme, martyrisé en Chine il y a cinquante ans. Les combats rituels des fêtes populaires deviennent des figurations dramatiques de combats historiques, souvenirs des invasions arabes et normandes en Sicile, arabes et anglaises en France[3]. Nombre de fêtes qui sont données comme des anniversaires de la fondation des églises paroissiales, semblent être d’anciennes fêtes agraires à fonctions complexes ; au lieu de commémorer

  1. Warde Fowler, Roman Festivals in the Time of the Republic, p. 176.
  2. Pitré, Feste patronali in Sicilia, p. 49, passim. Cf. Année sociologique, t. IV, p. 246 sq. Cf. R. Wünsch, Das Frühlingsfest der Insel Malta, p. 20. (Remplacement de la fête de saint Jean par la fête de saint Grégoire.)
  3. E. K. Chambers, The mediaeval Stage, ch. ix (The sword-dance) ; Pitré, o. l. passim.