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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/31

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sociale. Nous ne niions nullement qu’il y eût des tabous religieux, et qu’ils fussent d’un autre ordre.

Faute encore d’avoir délimité les rapports de la magie et de la religion nous nous sommes attiré de la part de M. Huvelin une autre querelle[1].

M. Huvelin attribue une origine magique aux liens de droit primitifs[2] ; et, pour lui, la magie a servi puissamment à la constitution de ce qu’il appelle le droit individuel. Ce que la magie met à la disposition des individus, ce sont des forces sociales et religieuses. Il l’admet. Toutefois il s’inquiète d’une contradiction qu’il aperçoit dans les termes dont nous nous servons. Comment la magie étant sociale, c’est-à-dire, selon M. Huvelin, obligatoire, peut-elle être illicite ? Comment étant religieuse, puisqu’elle trouve sa place dans le droit, phénomène de la vie publique, peut-elle être antireligieuse en même temps ? Voilà ce qu’il nous demande d’expliquer[3].

Mais une bonne partie des rites et surtout des sanctions, qui, selon M. Huvelin viennent de la magie, se rattachent pour nous à la religion. Pas plus que les dieux infernaux, les imprécations, les ἀραί ne sont par définition magiques et hors de la religion. D’ailleurs, dans un bon nombre des cas cités, la sanction magique n’est que facultative. La religion noue donc, aussi bien que la magie, les liens du droit individuel et avec un formalisme de même nature.

Le malentendu vient en somme uniquement de l’emploi

  1. P. Huvelin, Magie et droit individuel, Année sociologique, t. X, 1907, p. 1-47.
  2. id., Les tablettes magiques et le droit romain, extrait des Annales internationales d’histoire du droit, Mâcon, 1901. — id., La notion de l’injuria dans le très ancien droit romain, Annales de l’Université de Lyon, 1903.
  3. Nous connaissons certainement fort bien l’existence de la magie judiciaire. Nous pouvons même signaler à M. Huvelin que la magie des Ewé du Togo se divise en magie de l’envoûtement, magie de la divination et magie du droit. Spieth, Ewhe Stamme, p. 69*, p. 534, sq. Cf. Westermann, Ewe-Deut. Wörterb. s. v. Dzodudu, p. 89.