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M. Huvelin du sacrifiant qui fait un sacrifice pour tuer son ennemi[1]. Au surplus la magie n’est pas nécessairement illicite et, dans le droit, en fait, elle sert aussi bien au droit public qu’au droit individuel. Ainsi, dans les tribus australiennes[2] les menaces d’envoûtement sont pour les vieillards un moyen de faire respecter la discipline. Ce n’est pas sans raison que M. Frazer rattache aux pouvoirs des magiciens les pouvoirs du rois[3].

Certes M. Huvelin a raison de montrer que la magie a aidé à la formation de la technique du droit, comme nous supposions qu’elle a fait pour les autres techniques[4]. Nous sommes d’accord avec lui, quand il allègue que, dans le droit, elle a facilité l’action individuelle. La magie a en effet fourni à l’individu les moyens de se faire valoir à ses propres yeux et aux yeux des autres, ou bien d’éviter la foule, d’échapper à la pression sociale et à la routine. À l’abri de la magie non seulement les audaces juridiques ont été possibles, mais aussi les initiatives expérimentales. Les savants sont fils des magiciens.

Nous avons fait de fréquentes allusions au rôle que l’individu joue dans la magie et à la place qu’elle lui fait. On les a considérées comme des concessions prudentes, destinées à compenser l’excessive rigueur d’une théorie sociologique qui semblait vier dans la magie l’autonomie des magiciens[5]. Il n’y avait là ni concession ni contradictions. Notre travail avait précisément pour objet de déterminer la place de l’individu dans la magie par rapport à la société.

Nous nous proposions au début de nos études, surtout

  1. id., o. l., p. 46.
  2. Howitt, Native Tribes of South East Australia, 1904, chap. ix, passim.
  3. J.-G. Frazer, Kingship.
  4. H. Hubert et M. Mauss, La Magie, l. l., p. 143.
  5. H. Berr, Les Progrès de la sociologie religieuse, l. l., p. 35.