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cutons pas la sienne, à laquelle nous faisons sa large part. Mais les animistes nous ont déjà combattu en défendant contre nous le caractère élémentaire et primitif de la notion d’âme. Pour eux, le mana n’est qu’un extrait de celle-ci. L’animisme renouvelé par M. Wundt explique l’action à distance du rite magique, par l’exhalation de l’âme du magicien[1].

Il y a là, selon nous, une grave erreur. Entre ces deux représentations, âme et mana, nous tenons celle de mana pour primitive, parce qu’elle est la plus commune. En fait, tandis que tout rite magique, toute chose magique a son mana, le nombre est petit des rites où l’on voit sortir l’âme du magicien, même l’une de ses âmes corporelles. M. Wundt appelle à la rescousse M. Preuss. Celui-ci, dans d’intéressantes recherches, qu’il rattache aux nôtres[2], a trouvé que, très souvent, ce sont les souffles émis par les ouvertures du corps qui portent la force magique. Les souffles, nous dit M. Wundt, ce sont des âmes. Non, ce sont des souffles. La voix, un trait de feu, un caillou, une pointe peuvent aussi bien servir de véhicule. Celui-ci ne sera même pas toujours nettement figuré. Parmi les images qui se prêtent à la représentation de la force magique, celle d’une âme, aussi mal définie qu’on voudra, n’est pas des plus fréquentes. En tous cas elle n’est jamais qu’une image parmi les autres.

Il y a plus : bien loin que la notion d’âme soit plus élémentaire que la notion de mana, elle est une des plus compliquées à laquelle soient arrivées les religions. Une analyse facile distingue ses antécédents plus simples, ses éléments disjoints et informes : ombres, âmes organiques, âmes extérieures, totems, revenants, génies. Dès qu’il s’agit d’en concevoir le contenu, nous n’y apercevons plus autre chose que les multiples figurations des rapports

  1. Wundt, o. l., I, p. 185 sq.
  2. L. l. plus haut, p. xii, n. 1.