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fices sanglants. Il est arbitraire de restreindre ainsi le sens du mot. Toutes proportions gardées, le mécanisme de la consécration est le même dans tous les cas ; il n’y a donc pas de raison objective pour les distinguer, Ainsi la minḫâ hébraïque est une oblation de farine et de gâteaux[1] ; elle accompagne certains sacrifices. Or, elle est si bien au même titre qu’eux un sacrifice, que le Lévitique ne l’en distingue pas[2]. Les mêmes rites y sont observés. Une portion en est détruite sur le feu de l’autel ; le reste est mangé totalement ou en partie par les prêtres. En Grèce[3], certains dieux n’admettaient sur leur autel que des oblations végétales[4] ; il y a donc eu des rituels sacrificiels qui ne comportaient pas de victimes animales. On peut en dire autant des libations de lait, de vin ou d’autre liquide[5]. Elles sont sujettes en Grèce[6] aux mêmes distinctions que les sacrifices[7] ; il arrive parfois qu’elles en tiennent lieu[8]. L’identité de ces diffé-

  1. Lév. II, 1 sqq. ; VI, 7 sqq. ; IX, 4 sqq. ; X, 12 sqq. ; Ex. XXIII, 18 ; XXXIV, 25 ; Amos, IV, 5. — La minḫâ remplit tellement l’office de tout autre sacrifice que (Lév. V, 11) une minḫâ sans huile ni encens remplace un ḫaṭṭât et porte le même nom. Il est souvent parlé de minḫâ dans le sens général de sacrifice (Cf. I Rois XVIII, 29, etc.). Inversement, dans l’inscription de Marseille le mot de zebaḫ est appliqué comme celui de minḫâ à des oblations végétales : C. I. S., 165, l. 12 ; l. 14 ; Cf. id., 167, l. 9 et 10.
  2. Lév. II.
  3. Aristoph., Plut., 659 sqq. — Stengel, Die Griechischen Kultusalterthümer, 2e édit., p. 89 sqq.
  4. Porph., de Abst., II, 29. — Diog. Laërt., VIII, 13 (Délos). — Stengel, ib., p. 92. — Pline, N. H., XVIII, 7. — Schol. Pers., II, 48.
  5. Rob. Smith, Rel. of Sem., p. 230 et suiv. voit même dans les libations de vin et d’huile des rituels sémitiques des équivalents du sang des victimes animales.
  6. K. Bernhardi, Trankopfer bei Homer, Progr. d. Kgl. Gymn. z. Leipzig, 1885 ; Fritze, De libatione veterum Graecorum, Berl., Dissert., 1893.
  7. νηφάλια et μελίκρατον. Cf. Stengel, p. 93 et 111. — Frazer, Pausanias, t. III, p. 583.
  8. Stengel, ib., p. 99. — Une libation d’eau-de-vie a remplacé quelquefois, dans les usages actuels, d’anciens sacrifices. Ex. dans P. Bahlmann, Münsterl. Märchen (voir Compte rendu, Année sociologique, t. II), p. 341. Cf. Sartori, Bauopfer (voir Compte rendu, Année sociologique, t. II), p. 25.