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Page:Hubert, Mauss - Mélanges d’histoire des religions, 1909.djvu/74

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facilement observables. C’est celui de la dîkṣâ, c’est-à-dire de la préparation du sacrifiant au sacrifice du soma[1]. — Dès que les prêtres sont choisis, toute une série de cérémonies symboliques commencent pour le sacrifiant, qui vont progressivement le dépouiller de l’être temporel qu’il était, pour le faire renaître sous des espèces entièrement nouvelles. Tout ce qui touche aux dieux doit être divin ; le sacrifiant est obligé de devenir dieu lui-même pour être en état d’agir sur eux[2]. À cet effet on lui bâtit une hutte spéciale, étroitement fermée ; car le dîkṣita est un dieu et le monde des dieux est séparé de celui des hommes[3]. On le rase, on lui coupe les ongles[4], mais à la façon des dieux, c’est-à-dire dans un ordre inverse de celui que suivent habituellement les hommes[5]. Après avoir pris un bain purificatoire[6], il revêt un vêtement de lin tout

  1. Sur la dîkṣâ, voir Bruno Lindner, Die dîkṣâ oder Weihe für das Somaopfer, Leipz., 1878 (étudie seulement les textes théologiques et les compare). Ces textes du Çat. Br., de l’Ait. Br., de la Taitt. saṃ. sont d’ailleurs réellement complets sur la question. — Oldenberg, Rel. d. ved., p. 398, sqq. M. Old. voit dans la dîkṣâ un rite d’ascétisme comparable à ceux du shamanisme. Il n’attache pas de valeur au symbolisme des cérémonies et le croit de date récente, M. O. semble avoir réellement mis en lumière un côté des faits ; mais son explication se laisse fort bien concilier avec la nôtre. Pour l’ensemble des textes brahmaniques voir S. Lévi, Doctrine du sacrifice dans les Brâhmaṇas, p. 103-106. Pour la traduction du mot dîkṣâ, nous nous rattachons à l’opinion de M. Weber, Vâjapeya (loc. cit., p. 778). La dîkṣâ n’est que vaguement indiquée au Ṛg veda, et n’avait pas à l’être. Elle a une place prépondérante dans tout le reste de la littérature védique. Le succès de ce rite, d’ailleurs fort bien conservé, a été très grand dans les rituels puraniques et tantriques.
  2. Voir S. Lévi, ib., p. 103.
  3. T. S., 6, 1, 1, 1.
  4. De ce rite, répandu dans la plupart des religions, les textes hindous donnent une excellente interprétation ; les cheveux, les sourcils, la barbe, les ongles des mains et des pieds sont la « partie morte », impure du corps. On les coupe pour se rendre pur. T. S., 6, 1, 1, 2.
  5. S. Lévi, ib., p. 87, 88. T. S., 6, 1, 1, 5. — Çat. Br., 3, 1, 2, 4, 5.
  6. C’est le rite de l’apsudîkṣâ (Âp. çr. sû., X, 6, 15 sqq.), qui symbolise à la fois sa purification (voir le mantra T. S., 1, 2, 1, 1 = V. S., 4, 2, a = R. V., 10, 17, 10 et A. V., 6, 51, 2) et sa nouvelle conception. Voici la série des symboles, suivant l’Ait. Br., 1, 3, 1 sqq. « Le bain signifie sa conception, la hutte est sa matrice : le vêtement l’amnios, la peau de l’antilope