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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/117

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La même année, le Magistrat de Louvain poursuivait du chef de faux deux fonctionnaires de la ville, de G… et van D… ; comme les accusés niaient en dépit de l’évidence les faits mis à leur charge, il les condamna à subir la torture. Les femmes des accusés sollicitèrent des gouverneurs généraux qu’il fût fait grâce de cette épreuve à leurs maris ; leur requête fut accueillie et les échevins durent prononcer leur sentence sur les faits de la cause[1].

Vint le règne de Joseph II. Nous avons vu que déjà, comme corégent, ce prince avait manifesté catégoriquement ses préférences pour la cause de l’abolition. Son action, toutefois, ne se fit pas immédiatement sentir[2]. Même pendant les premières années, il semble avoir renoncé à introduire dans nos provinces cette réforme accomplie depuis 1776, sans inconvénients, dans ses États héréditaires d’Autriche. En réalité, il n’y a là qu’un simple ajournement, et, en attendant qu’il juge le moment opportun pour lancer un décret définitif, le Gouvernement veille à écarter les abus chaque fois qu’il en découvre. Le Conseil privé recourt fréquemment au moyen que nous avons déjà indiqué : il obtient que le souverain fasse grâce de la torture, malgré les instances souvent pressantes des corps judiciaires. Ceci est tellement vrai que le Conseil, quand il est en désaccord avec un tribunal, n’entreprend plus de discussion théorique : il cherche dans les faits de la cause l’une ou l’autre raison de supprimer l’épreuve de la question. Le 25 janvier 1781, le Conseil privé est saisi d’une requête en grâce de Guillaume R…, détenu dans les prisons de Bruxelles sous l’accusation d’avoir

  1. Conseil privé, carton 720. De 1770 à 1790, la torture est appliquée avec une fréquence extrême dans le pays de Liége ; nous en avons relevé cent dix-sept cas dans les seuls registres de Liége, Vliermael, Munsterbilsen, Bilsen, Hasselt et Saint-Trond. Il y a beaucoup de tortures prolongées ; beaucoup d’accusés ont été « saisis au flagrant ». Plusieurs procès-verbaux sont suivis de la mention : « que le prisonnier est mort en prison en suitte de la question ».
  2. Galesloot dit [article précité, p. 309] que, pendant son séjour aux Pays-Bas, en 1781. l’Empereur reçut un mémoire anonyme relatif à l’administration de la justice. L’auteur s’y élevait contre l’usage de la torture. Le Conseil privé, auquel le mémoire fut communiqué, fit remarquer que les tribunaux, même ceux qui étaient hostiles à son abrogation, reconnaissaient qu’on ne pouvait en permettre l’application qu’a des juges éclairés, et qu’il fallait nécessairement en faire cesser l’abus. — Nos recherches les plus minutieuses dans les registres et les cartons relatifs au séjour de Joseph II dans les Pays-Bas en 1781 ne nous ont pas fourni de traces du mémoire dont parle Galesloot.