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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/122

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à tous les juges, « tant supérieurs que subalternes », de mettre un accusé à la question avant d’en avoir obtenu l’autorisation du Gouvernement[1]. Cette disposition devait être tenue secrète, « afin de prévenir les inconvénients qui pourroient être à craindre, si les malfaiteurs savoient ou pouvoient présumer d’avance une disposition équivalente à l’abolition de la torture[2] ».

  1. Nous avons publié le texte de ce décret dans le Bulletin de la Commission royale d’histoire, 5e sér., t. V. p. 163, en note. L’original se trouve dans le carton 755bis du Conseil privé.
  2. Un procès criminel intenté devant la Cour féodale du pays de Waes à Jean-François J…, accusé d’assassinat et de vol d’église, fut l’occasion de ce décret. J… avait été condamné à subir la question ordinaire et extraordinaire pendant vingt-quatre heures. Le Conseil privé, avisé de cette procédure, fit observer aux gouverneurs généraux, le 19 janvier 1784, « que ledit J… n’étant point suffisamment convaincu du crime dont on l’accuse pour subir une peine capitale, il est préférable de le faire enfermer que de l’exposer à l’épreuve cruelle et incertaine de la torture ». Un décret du 28 janvier sanctionna cette proposition, et J… fut enfermé à la maison de force de Gand pour la durée de trente ans [Cons. privé, Registre 258, ƒo86].
    Le 28 janvier, la question fut soulevée de nouveau. « Les Sérénissimes princes [Albert de Saxe-Teschen et Marie-Christine], à l’occasion de la sentence des hommes du fief du Pays de Waes qui condamnoit J. -F. J… à la torture, observent que la torture reste en usage dans le Païs, même chez les juges subalternes, dans les cas qu’on ne recourt point au Gouvernement, tandis qu’il arrête cette ressource extrême dans tous les cas qui parviennent à sa connoissance, et, comme de là il résulte une contradiction qu’il est bon de faire cesser, ils chargent le Conseil de s’expliquer sur ce qu’en attendant une disposition générale et publique, on pourroit faire pour ne pas tolérer que les juges sans distinction fassent emploi d’un moyen que le Gouvernement défend dans les cas particuliers que le hazard porte à sa connoissance.
    Le Conseil ayant délibéré sur cet objet, a observé que pour remplir les vues de LL. AA. RR. jusqu’à ce que par une loy générale on ait pourvu au défaut de notre jurisprudence criminelle sur ce point, il paroît que le seul moyen que l’on puisse adopter est de déclarer qu’aucun juge ne pourra exécuter une sentence portant condamnation à la torture, sans en avoir donné part au Gouvernement, et sans avoir reçu ses ordres. Cette disposition qui feroit cesser la contradiction qui résulte dans l’état de notre jurisprudence actuelle, paroît devoir être générale tant à l’égard des cours supérieures que des subalternes, puisque, la torture n’étant qu’un moyen dangereux et peu sûr pour découvrir la vérité, on ne peut, sans inconvénient, permettre l’usage absolu, même aux juges supérieurs. En conséquence, le Conseil a résolu de présenter à l’agrément de LL. AA. RR. le projet de dépêche que l’on pourroit adresser aux cours supérieures de justice avec charge d’informer en conséquence les juges subalternes de leur ressort ainsi qu’aux offices du Prévôt de l’hôtel et du Drossard de Brabant ». Séance du 20 janvier 1784.
    Présents : MM. de Kulberg, de Grysperre, d’Aguiiar, de Limpens, de la Vielleuze ; secrétaires : de Reul père et fils, et Marci. Registre 258, ƒos113-115.