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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/158

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de la respiration. Comme les souclavières partent de la crosse que fait l’aorte à la sortie du cœur, la résistance survenue dans les premières, diminue la facilité de celle-ci à pousser le sang en avant ; et par une conséquence fondée sur le méchanisme de la circulation, le ventricule gauche a peine à se décharger du liquide que la veine pulmonaire lui apporte.

De là vient l’embarras du poumon, qui amène nécessairement celui de la respiration à sa suite. Aussi remarque-t-on que dans cet état d’angoisse, l’action du cœur est telle, qu’elle se distingue par de fortes pulsations, et que le prisonnier suspendu à la torture tombe presque toujours en des sueurs abondantes, même dans les plus grands froids, quoiqu’il ne soit couvert que d’une chemise de femme.

Mais la respiration n’est point la seule des fonctions nécessaires à la vie, qui soit troublée par les entraves que la torture met au mouvement circulaire du sang.

Le cerveau lui-même est en danger ; car les efforts redoublés du cœur ne peuvent pousser le sang avec plus de force et de vitesse dans les artères carotides internes, et de là vers l’intérieur de la tête, sans qu’il en résulte la nécessité du prompt et libre retour de ce liquide par les veines.

Or, les jugulaires sont dans un état de contrainte chez l’homme suspendu à la torture ; la jugulaire interne, surtout, qui souffre moins impunément cette contrainte, ne peut rencontrer des obstacles à la décharge du sang qu’elle doit rapporter de la tête, sans exposer le cerveau à l’engorgement et le patient à l’apoplexie.

En effet, il ne manque pas de tomber dans un sommeil profond, lorsqu’on s’obstine à le laisser dans la suspension gênante à laquelle il est condamné.

Il est vrai qu’on a coutume d’avoir recours à l’esprit de sel ammoniac qu’on lui passe dans le nez, pour le tirer de cet état d’engourdissement.

Mais ce moijen n’est que plus propre à déterminer le mal que l’on craint, c’est-à-dire l’apoplexie sanguine qui ne comporte pas l’usage des irritans. On est cependant forcé d’ij avoir quelquefois recours, en attendant le moment de faire débarrasser le prisonnier de ses liens.

Au danger de suffocation et d’apoplexie, qu’on vient de déduire du trouble dans lequel la circulation est jettée par la torture, on peut ajouter bien d’autres circonstances, toutes capables de préjudicier à la vie de l’accusé, si malheureusement elles se rencontrent en lui.

Le seul examen qu’on fait de sa constitution, a pour objet de savoir s’il est attaqué de hernie. Il est vrai que, si les parties qui s’échappent de la cavité du bas-ventre et forment la tumeur, étoient retenues dans le sac herniaire, l’extension violente de la torture ij causeroit un étranglement dangereux ; et pour cette raison, le prisonnier ne peut subir la sentence que la justice a portée contre lui.

Mais le prisonnier peut avoir d’autres maladies qui demeurent inconnues, parce qu’on n’en fait aucune recherche, et qu’il n’est pas même toujours possible de reconnoître le caractère de certaines au premier coup d’œil.

Telles sont la sensibilité maladive des nerfs, les dispositions au crachement de sang