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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/22

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la cruauté judiciaire d’autrefois subsistent avec leur muette éloquence.

Dans nos provinces, au dire de Wielant[1], on ne pouvait torturer que par la corde, mais l’arbitraire des juges introduisit bientôt d’autres procédés. Dans le tormentum ignis, on étend les jambes de l’accusé, on les lie étroitement au moyen de cordes, on enduit la plante des pieds de graisse, et on les approche très près du feu[2]. Certains juges ajoutent un raffinement à ce mode de question : ils font chausser au patient des souliers abondamment graissés ; le feu durcit les chaussures, les fait recroqueviller et cause ainsi des tourments infinis. Dans le tormentum aquæ, on lie les pieds et les mains avec des cordes passées dans des anneaux en fer, on tend ces cordes avec force, de manière que le corps ne porte plus que sur elles ; on pince le nez de l’accusé, et on lui fait avaler le plus d’eau possible[3].

L’estrapade est aussi fréquemment employée ; dans ce supplice, appelé en Allemagne Regina tormentorum[4], on lie les mains du patient sur le dos, on fait un ou plusieurs nœuds en forme de 8, puis on lève le corps en l’air au moyen d’une poulie ; plus les cordes sont minces, plus la douleur est violente. Si l’effet attendu ne se produit pas assez rapidement, le bourreau agite le corps ainsi suspendu, frappe quelques coups sur les reins, ou écarte les jambes le plus possible, ou suspend aux pieds des poids plus ou moins lourds[5]. À Gand, l’on étend souvent l’accusé sur un chevalet, on lui attache les bras sur le dos, et on y pend des poids[6]. Au Conseil de Brabant, on asseoit l’accusé, revêtu seulement de sa chemise, sur une croix de Bourgogne en fer, les mains liées sur le dos et les pieds attachés à la sellette ; le cou du prisonnier est engagé dans un collier garni de pointes, attaché par quatre

  1. « De pijnen ende tormenten worden gedaen met coorden ende men vint niet in rechte dat men se anders doen mach ». [Éd. Orts, chap. XL.]
  2. Döpler, Theatrum pœnarum, p. 286.
  3. Ibid., p. 288. Voir dans la Practica crim. de Damhoudere, éd. d’Anvers, 1570, p. 81, une gravure représentant la mise à la question par l’eau. Quelquefois l’eau est additionnée de chaux, ou on la remplace par du vinaigre, de l’huile, ou de l’urine ! [Voir Cannaert, Bijdragen tot de kennis van het oude strafrecht, p. 274.]
  4. Döpler, p. 296.
  5. Voir Damhoudere, p. 91, une gravure représentant la question par l’estrapade.
  6. Claeys, Le bourreau de Gand, pp. 30, 31.