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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/41

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terribles[1]. C’est ainsi que, le 29 août 1781, le Conseil privé interdit de mettre à la torture Jérôme R…, d’Assenede, accusé d’assassinat, contre lequel il y a de très fortes preuves, mais « on n’est pas sûr que le cadavre retrouvé soit celui de la victime supposée[2] ». Le tribunal doit posséder la preuve de commisso crimine, c’est-à-dire qu’il doit être démontré, par exemple, que la mort de la victime n’est pas due à un accident. Il faut aussi que le crime soit capital[3]. Cette expression ne doit pas être prise à la lettre ; elle s’entend non seulement d’un crime passible de la peine de mort, mais aussi d’un châtiment corporel rigoureux ou d’un bannissement à perpétuité[4]. Enfin, les indices recueillis contre l’accusé doivent former une preuve

  1. « Vers le milieu du XVIIIe siècle, le nommé Antoine Pin, accusé d’avoir tué un certain Joseph Sevas, confessa son prétendu crime dans la torture, en indiquant le lieu où le cadavre aurait été enseveli. Le cadavre ne fut pas trouvé au lieu désigné, mais un jugement parfaitement en règle envoya Pin à la potence. Quelque temps après, Sevas, la prétendue victime, reparut, revenant d’un long voyage. Suivant les praticiens, cette erreur provenait de ce que les juges d’Antoine Pin avaient violé l’une des premières lois de l’instruction criminelle, en passant outre, sans s’être mis en peine de constater le corps du délit. À Genève, des voleurs de nuit ayant dépouillé un magasin, déposèrent leurs crochets dans la poche d’un homme ivre qui dormait sur le pavé. Cet homme, arrêté par la police, confessa dans la torture et fut pendu. Peu de temps après, on découvrit les vrais coupables nantis des objets volés, et, comme on ne pouvait ressusciter un mort, la torture fut abolie dans cette ville » [C. Cantu, Beccaria e il Diritto penale, éd. de Florence, 1862, pp. 48, 49].
  2. Conseil privé, carton 717.
  3. Le 30 juin 1768, le Conseil de Namur révèle que, « passé 17 ou 18 ans, un citoyen a été condamné à la torture, bien que le crime imputé ne fût pas capital ». Le tribunal en défaut a été admonesté [Proc.-verb. de la Commission des lois et ordonnances, t. III, p. 186].
  4. À Maestricht, les Recès de 1665 ne permettent d’appliquer la torture que si la peine comminée contre le crime commis est plus grave que la torture même [Crahay, Coutume de Maestricht, p. lxix]. — La Coutume de Tournai est encore plus explicite : pour mettre un criminel à la question, le crime de quo doit être punissable de la mort, de la mutilation ou du fouet [tit. XII, art. 1, dans le manusc. de De Wulf]. — Cependant nous voyons torturer à Bruges, en 1755, Mathieu P…, accusé d’un faux sans grande importance [Cons. privé, cart. 727] ; et en 1756, à Luxembourg, Pierre H…, pour malversations légères [Ibid., cart. 728]. — Dans la république des Provinces-Unies, la jurisprudence est la même : « In kleine en geringe diefstallen, dewelke bekend zijnde, met een geesseling, bannissement voor eenige tijd, of met andere lichte straf gestraft worden, geen pijniging, die zwaerder dan de dood is, gebruiken » [Van Heemskerk, Balavische Arcadia, éd. de 1729, p. 492].