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de faire grâce du ban à Nicolas B…, de Nivelles, « considérant que ses infirmités depuis qu’il a subi la torture, le mettent hors d’état de subvenir aux besoins de la vie[1] ». Ces accidents lamentables, sans être fréquents, ne sont pas très rares ; et cependant le juge encourt de ce chef de sérieuses responsabilités. Damhoudere disait que « s’il advenait que le patient estant géhenné, mourust sur le banc, ou fust affolé de ses membres, on présumeroit contre le juge[2] ». D’autres criminalistes attestent que la question est donnée si rudement, que le patient demeure estropié, ce qui est contre l’intention de la loi[3] ; aussi, dans ce cas, le juge doit être puni d’une peine très sévère, « même de la peine capitale, s’il paroissoit une mauvoise volonté ou dol de sa part[4] ».

En règle générale, la durée de la question ne doit pas dépasser une heure[5], et elle doit cesser immédiatement lorsque l’accusé avoue. Fréquemment

  1. Conseil privé, carton 695. — Dans les comptes de dépenses de la prison du Chastelette, à Gand, figurent les états d’honoraires payés aux médecins chargés de soigner les accusés qui avaient été soumis à la torture. Voir P. Claeys, Le bourreau de Gand, p. 33.
  2. Pract. crim., éd. de Paris 1555, p. 52.
  3. Serpillon, p. 908.
  4. Jousse, t. II, p. 493. Jousse rappelle la Lex Julia, pp. 7, 83. — « Quæ sit pæna judicis qui quem contra leges torsit ? Et si quidem dolo malo judex reum ità torserit, ut sub manu carnificis animam effaret, non est dubitandum in Legem Corneliam de sicariis eum incidere. Si non occiderit, in insulam deportandus videtur. Quod si non dolo, sed per imperitiam contra leges aliquem torserit, extrà ordinem puniendus erit » [. Matthaeus, xlviii, tit. xvi, p. 728]. — Lebrun de la Rochette n’est pas moins catégorique : « Est remarquable, que, si par la fréquente réitération de la question, ou forme du tourment d’icelle, l’accusé meurt, succombant aux douleurs qu’il a enduré : ou demeure mutilé de l’un de ses membres, le Iuge est coulpable de sa mort, ou mutilation, ores qu’il eust tous les indices requis et suffisans à la question : sinon que pour sa iustification il fist oculairement voir qu’il n’a excédé, en torturant l’accusé, la forme prescripte par les loix : qu’il n’a rien exécuté par dol, malice, haine ou animosité quelconque : mais a le tout rapporté à l’équitable intégrité requise à la modestie du zèle de Iustice » [Le procès civil et criminel, p. 143].
  5. Döpler, p. 343 ; et, en général, tous les praticiens. Dans les Pays-Bas, on voit fréquemment, au XVIIIe siècle, le juge fixer la durée éventuelle de la question à plusieurs heures. C’est ainsi que nous voyons le Drossard de Brabant condamner à une torture de quatre heures : le 31 mai 1760, Jean D…, voleur [Procès du Drossard de Brabant, n° 46] ; de cinq heures : Marie C…, voleuse, le 31 octobre 1758 [Ibid., n° 107], et le 23 août 1762, Henri B…, voleur [Ibid., n° 50] ; de six heures : le 1er septembre 1763, Jean-François M…, voleur [Ibid., n° 51] ; le 8 janvier 1765, Jean-Baptiste G…, voleur, « pour le temps de six