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Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/61

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Cette doctrine, qui est aussi celle des praticiens allemands[1], a passé dans l’article 41 de l’ordonnance du juillet 1570[2]. En conséquence, si l’accusé a supporté les tourments sans faiblir, on le retient quelques jours en prison, le juge recherche s’il n’y a pas de nouveaux indices qui permettent de recommencer l’épreuve, et, dans la négative, on ne le renvoie pas nécessairement absous[3], mais on ne le torture plus, on prononce le jugement définitif sur les preuves relevées au procès, et le tribunal acquitte ou applique une peine arbitraire, mais jamais la peine de mort[4]. Voilà le droit. C’est ainsi qu’en 1734, à Hautem-Saint-Liévin, Antoine de V…, accusé d’incendie, subit la torture durant six heures, sans avouer, puis il est condamné à vingt ans de bannissement[5] ; à Louvain, le 17 janvier 1736, Pierre G…, également accusé d’incendie, résiste à la question, et n’est gracié qu’à l’occasion du Vendredi-Saint[6] ; à Virton, le 21 mars 1740, Roch F…, faux monnayeur, persiste dans ses dénégations ; il est cependant condamné au bannissement, car « il est convaincu d’avoir débité de la fausse monnaie, » et véhémentement suspect de l’avoir fabriquée[7] ». En Gueldre, on relâche

  1. « In torturâ reus perseverans simpliciter debet absolvi » [Carpzovius, p. I, q. xxxiii, n° 72] ; — « Torturam repetunt assessores indistincte, etiam sine novis indiciis, sed male faciunt » [Farinacius, liv. I, tit. V, q. xxxviii, 74, 75].
  2. Voir le texte de cet article, p. 22.
  3. « Le silence de l’accusé sur la torture n’efface pas les véhémentes présomptions qui ont porté le juge à l’y faire appliquer, et c’est sûrement une erreur des plus grossières de quelques auteurs qui disent que l’accusé qui ne déclare rien sur la torture doit être renvoié absous, puisque, suivant les vraies règles, on ne doit renvoyer absous que ceux qui constatent leur innocence ou du moins font cesser les fortes présomptions qui les font présumer coupables » [Réponse du Grand Conseil de Malines au Mémoire de Fierlant, 5 novembre 1771, Cons. privé, Reg. 406bis, fo 63].
  4. Poullet, Histoire du droit criminel en Brabant, t. I, p. 225.
  5. Conseil privé, carton 722.
  6. Ibidem.
  7. Conseil privé, carton 725. Mais, dans la même province, on agit d’une manière différente quelques années après. Le 3 janvier 1765, à Rotté, prévôté de Bastogne, François-Joseph C…, accusé de fratricide, subit la torture sans avouer. Le magistrat demanda au gouverneur général l’autorisation d’appliquer C… à la question extraordinaire [Cons. privé, cart. 688] Nous n’avons pu découvrir quelle fut la réponse de Charles de Lorraine ; mais, à propos d’un autre procès de la même époque, le Conseil de Luxembourg écrit : « La question ordinaire est si douce qu’elle fait impression sur peu de criminels ; l’extraordinaire les jette, au contraire, d’abord dans des douleurs si fortes et si vives que, le premier moment étant passé, ils perdent tout sentiment, et deviennent par conséquent insensibles aux exhortations et questions qu’on leur fait pour en arracher la vérité » [Du 12 février 1761. Corresp. du Conseil, aux archives de Luxembourg].