Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/72

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La sorcellerie amène von Spee à parler de la torture. Il estime que les princes ont le devoir de surveiller de très près leurs officiers de justice ; ils doivent notamment, entre autres multiples obligations soigneusement détaillées[1], examiner que ratio et modus sit tormentorum[2]. Von Spee combat ce détestable moyen d’investigation par des arguments nouveaux, et surtout par la révélation d’abus nombreux, bien établis et révoltants. La torture a couvert la Germanie de sorcières, grâce aux tourments inouïs auxquels on a recours et qui amènent fatalement l’accusé à se reconnaître coupable d’un crime qu’il n’a ni commis ni pu commettre[3]. Dans l’exercice de son ministère, l’auteur a rencontré maints hommes robustes qui, suivant leur propre déclaration, auraient reconnu vraies toutes les incriminations les plus fausses, pour éviter la torture. Bien plus, au tribunal de la pénitence se sont présentés fréquemment des individus qui, sous l’empire des tourments, avaient jadis porté contre des innocents une accusation de complicité. Le confesseur les a menacés de ne pas les absoudre, s’ils ne rétractaient pas cette accusation. Invariablement ils s’y sont refusés, disant que, même si la damnation éternelle devait en dépendre, ils ne s’exposeraient point à passer de nouveau par les mains du tortionnaire. Et von Spee avoue que, le cas échéant, lui-même se déclarerait sorcier, avouerait tout ce que l’on voudrait, qu’il préférerait la mort à la torture[4]. Ces tourments, intolérables

  1. Caut. crim., p. 31.
  2. Ibid.
  3. Ibid., p. 125.
  4. « Verum est ut robustissimi quidam qui gravissimorum scelerum causa in tormentis pependerant, sancte mihi affirmarint nullum tantum excogitari posse crimen quod non promptissime sibi imposituri fuissent, si ejus confessione tantisper se tanto cruciatu excipere licuisset : quin imo antequam reduci se eodem paterentur potiùs in denas mortes rectis pedibus insulturos esse. Quod si inveniuntur alii, qui discerpi potius quam silentium solvere in equuleo malint, ii et rari sane hodie sunt… Atque ut magis innotescat vel tormentorum magnitudo, vel impatientia nonnullorum, hoc exemplum esto : scient confessarii qui experientiam aliquam habent, reperiri nonnullos, qui ubi falso quospiam in tormentis detulere ; post autem in pænitentiæ sacramento intelligunt non posse peccatis absolvi, nisi quod falsa accusatione in vitæ discrimen coniecere rursus eripiant ; excipere solere, id se facere non posse, quod timeant, ne si canant palinodiam, rursùm in quæstiones repetantur. Ad quod, si instet confessarius, nihilhominus non posse innocentes in culpà relinqui sub pæna damnationis ; reperiundam aliquam esse viam quà delatæ juventur, respondere non rarò, se vero quavis ratione innocentiæ eorum