Page:Hubert - La Torture aux Pays-Bas autrichiens pendant le XVIIIe siècle.djvu/78

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Mais si l’on attend que les princes en reviennent d’eux-mêmes, on attendra longtemps. Si les savants n’attaquent pas cet odieux mode de procédure, s’ils n’en combattent pas l’usage avec une énergie tenace, les princes s’en reposeront sur leurs officiers et ne connaîtront pas la vérité. Ceux qui croient la torture détestable n’ont pas le droit de se taire et de laisser aux princes la responsabilité des lois. À ceux qui en connaissent les effets tragiques et les conséquences funestes incombe le devoir de démontrer les vices de l’institution[1]. C’est pour cela que le magistrat de Besançon a pris la plume et courageusement déchiré les voiles.

Il termine en rappelant que le Saint-Office de Rome, après avoir introduit la question dans sa procédure, a fini par reconnaître que c’est un « remède trompeur[2] » ; s’adressant au « Roi très chrestien », il le conjure de se souvenir des chrétiens accusés par Néron d’avoir incendié Rome et qui, dans les tourments, se reconnurent coupables d’un crime commis par Néron lui-même : « Si ces premiers chrestiens ne purent tenir contre la force des tourmens, qu’ils ne se chargeassent d’un faux crime pour estre plutost executez, pouvons nous espérer que de simples innocens le puissent souffrir[3] » ? Et que l’on ne croie pas les supplices du XVIIe siècle plus doux que ceux des Romains ; il s’en trouve même de plus cruels, et, d’ailleurs, « les juges, dans l’empressement de trouver des criminels, les font redoubler, et en qualité, et en durée, et en répétition, jusqu’à faire dire au patient ce qu’ils souhaitent. Ils perdent l’idée de la vérité, qui est la fin régulière de leur recherche, et ne s’appaisent point qu’ils n’ayent arraché une confession de la bouche d’un patient[4] » ! Il n’y a donc qu’un remède : l’abolition d’un système aussi cruel que dangereux et inefficace.

  1. « Outre l’acquit de leur conscience, ils leur procureront en cecy le plus grand service qu’un sujet et un officier puisse rendre à son souverain. Il s’agit de désarmer la justice divine si souvent provoquée à la vengeance des innocens opprimés par ces voyes d’erreur et de mensonge ». Pages 189-190.
  2. « La congrégation du Saint-Office de Rome nous confirme qu’elle est un remède trompeur, et qu’une infinité de femmes idiotes ont été surprises par les procédures irrégulières des juges du sortilège, et par les atrocitez abominables de la torture ». P. 217.
  3. Page 159.
  4. Ibid.