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Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/171

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Les trois autres : la Marie-Anne, la Painchaud et la Flash parèrent le Cap-Breton à six heures du matin dans les brisants de terre. Elles furent décapées en dehors de Scatari et ne prirent Louisbourg qu’après quatre jours de transes affreuses, d’inquiétudes mortelles et de fatigues indicibles. La Marie-Anne avait perdu un homme, Grégoire Chevarie, emporté par une vague.

Les rescapés donnèrent l’alarme. L’épouvantable nouvelle fut envoyée au gouvernement qui fit charger le Harlo pour voler au secours de la population des Îles. Aucune communication télégraphique n’existait à cette époque, entre les Îles et le continent, et c’est ce vapeur qui, ayant vu les restes de la flotte acadienne au détroit de Canso, le 7 décembre, annonça le désastre aux insulaires deux jours plus tard.

Entre temps, les rescapés allèrent s’enquérir des quatre disparus. C’est là que l’on vit des scènes d’horreur et de désolation : tous les matelots échappés aux flots avaient essayé d’escalader les falaises et les caps. Quelques-uns affaiblis et transis purent à peine s’arracher à la mer. Alex. Turbide, le fils du capitaine de la Présidente fut trouvé gelé dans le cap, les doigts arrachés et les pieds usés à force de se traîner sur les galets et dans les anfractuosités des rochers. Eugène, son père, Samuel Cormier, André Desjardins, Alfred Bourgeois, Antoine Lafrance furent ramassés raidis dans la mort sur les cailloux du rivage. La Stella-Maris, les deux mâts cassés, était chavirée la quille en l’air, au flanc d’un rocher, comme si un titan l’eut portée là, après l’avoir démâtée. Ses panneaux étaient fermés et toute sa cargaison intacte. (Cette cargaison fut pillée sans scrupule par les gens de l’endroit). Sept hommes de son bord étaient couchés sans vie sur la grève.