Aller au contenu

Page:Hubert - Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, 1926.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 157 —

six ans après s’être sauvée du premier désastre — elle fut assaillie par une forte bourrasque et forcée de relâcher pour se mettre à l’abri dans le Havre-Aubert, en même temps qu’un autre bâtiment du port de Baie Saint-Paul, également en route pour Québec. À la façon des gens de mer, on fit tout de suite connaissance, on fraternisa presque, se promettant de faire voile ensemble. Ne redoutant rien de ces marins de même langue et de même foi, les Madelinots s’ouvrirent tout naïvement à leurs compagnons de voyage, parlèrent de leur cargaison, des achats à faire, etc…

Le temps ayant calmi pendant la nuit, on décida d’appareiller, mais Laurent Cormier, qui s’était dit malade en rentrant, ne voulut plus se rembarquer. Il prétexta un mal secret et déclina les offres les plus pressantes du capitaine Isaac Arseneau. Il a toujours assuré plus tard qu’il ne souffrait d’aucune maladie, mais qu’une voix intérieure et mystérieuse, un sinistre pressentiment, le pressait vivement d’éviter ce voyage. On le remplaça et les deux bateaux se mirent en mer de beau matin. La brise était légère, puis elle calmit tout à fait sur le haut du jour… Les gens de l’Étang-du-Nord virent sous le soleil couchant, les deux goélettes côte à côté, les voiles faséyantes, comme deux amis qui s’arrêtent à l’entrée de la nuit pour se donner la main et le baiser du soir… Le lendemain matin, le vent soufflait du nord ; le tableau de la veille était effacé.

Les jours passèrent ; des semaines, des mois s’enfuirent, et… toujours pas de nouvelles de la Flash. Québec ne l’avait pas enregistrée, aucun port de mer ne l’avait vue, personne ne l’avait rencontrée. Le mystère devenait de plus en plus impénétrable. Les marins les plus expérimentés y perdaient leur grec et leur latin à se creuser la tête, quand Laurent à Damase se fit apporter un escalier qu’un rôdeur de côte avait