Page:Huc - Le christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet, tome 2.djvu/128

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l’empire du Milieu… Mon avenir est ruiné… je serai irrévocablement perdu à cause de toi… Et pour conclusion à ces amers reproches, le grand mandarin de Nanking mettait à la porte le P. Ricci, l’abjurait de quitter immédiatement la ville et de se réfugier n’importe où…

Le pauvre missionnaire s’en retourna à son logis, tout déconcerté de cette dure réception. À peine y fut-il arrivé qu’une escouade de satellites vint s’emparer du propriétaire de la maison et l’entraîna au tribunal. L’ancien ami du P. Ricci fit tomber toute sa colère sur ce malheureux Chinois ; il ordonna qu’on le fustigeât jusqu’au sang à coup de bambous. Il lui dit qu’en entretenant des relations secrètes avec les étrangers, il avait commis un crime prévu par le code et qu’on punissait de la peine de mort. Il ajouta que s’il voulait atténuer sa faute, il n’avait qu’à expulser de chez lui ce barbare, dont la présence serait la source des plus grands malheurs.

Le P. Ricci ne pouvait certainement pas résister à un si violent orage. Il y céda avec résignation, et s’éloignant pour le moment de Nanking qui le repoussait, il remonta le fleuve Bleu pour regagner Nan-Tchang-Fou, capitale de Kiang-Si. « Il tourna donc la proue, dit le P. Trigault, vers la province de Kiang-Si, et recommença de ramer non moins contre le cours de la rivière que contre son désir[1]. »

Après une longue et pénible navigation, il arriva à Nan-Tchang-Fou. Cette ville, une des plus belles et des plus commerçantes de l’empire, est spécialement re-

  1. Trigault, de l’Exp. chrest., p. 255.