Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/129

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bonheur infini d'y contempler le vieux Bouddha. « Derrière la grande lamaserie, nous dit-il, il y a une montagne très-élevée qu'on doit gravir en rampant des pieds et des mains. Avant d'arriver au sommet, on rencontre un portique taillé dans le roc. On se couche ventre à terre, et on regarde par une petite ouverture pas plus grande que le trou d'une embouchure de pipe : il faut rester assez longtemps avant de pouvoir distinguer quelque chose ; peu à peu on finit par s'habituer à regarder par ce petit trou, et on a enfin le bonheur d'apercevoir tout-à-fait dans l'enfoncement de la montagne la face du vieux Bouddha. Il est assis les jambes croisées, sans rien faire. Il y a autour de lui des Lamas de tous les pays qui lui font continuellement prostration. »

Quoi qu'il en soit de l'anecdote de Tokoura, il est certain que les Tartares et les Thibétains mêmes se sont laissé fanatiser d'une manière inconcevable, au sujet de la lamaserie des Cinq-Tours. On rencontre fréquemment, dans les déserts de la Tartarie, des Mongols portant sur leurs épaules les ossements de leurs parents, et se rendant en caravane aux Cinq-Tours, pour acheter presque au poids de l'or quelques pieds de terre où ils puissent élever un petit mausolée. Il n'est pas jusqu'aux Mongols du Torgot, qui n'entreprennent des voyages d'une année entière, et d'une difficulté inouïe, pour se rendre dans la province du Chan-Si.

Pour dire toute la vérité sur le compte des Tartares, nous devons ajouter, que leurs rois usent parfois d'un système de sépulture qui est le comble de l'extravagance et de la barbarie : on transporte le, royal cadavre dans un vaste édifice construit en briques, et orné de nombreuses statues