Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/154

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entre le Lama-Roi et ses quatre ministres, appelés en langue mongole Dchassak. Ces derniers s'étaient émancipés au point de se marier, et de se bâtir des maisons particulières, loin de la lamaserie ; toutes choses contraires aux règles lamaïques. Le grand Lama avait voulu les rappeler à l'ordre ; mais ces quatre Dchassak avaient amassé contre lui une multitude de griefs, et l'avaient accusé à Gé-Ho-Eul, auprès du Tou-Toun, grand Mandarin Mantchou qui peut connaître de toutes les affaires tartares. Le procès durait depuis deux mois, quand nous passâmes à la lamaserie, et nous vîmes bientôt qu'elle se ressentait de l'absence de ses chefs. Prières et études, tout était en vacance ; la grande porte de la cour extérieure était ouverte, et paraissait n'avoir pas été fermée depuis longtemps. Nous entrâmes dans l'intérieur, et nous ne trouvâmes qu'une morne solitude. L'herbe croissait de toute part dans les cours et sur les parois. Les portes des temples étaient cadenassées ; mais à travers le jour des battants on pouvait voir que les autels, les siéges des Lamas, les peintures, les statues, tout était couvert d'une épaisse poussière ; tout attestait que la lamaserie était depuis longtemps en chômage. L'absence des supérieurs, jointe à l'incertitude de l'issue du procès, avait relâché tous les liens de la discipline. Les Lamas s'étaient dispersés, et on commençait à regarder l'existence même de la lamaserie comme extrêmement compromise. Depuis, nous apprîmes que le procès, grâce à d'énormes sommes d'argent, s'était terminé à l'avantage du Lama-Roi, et que les quatre Dchassak avaient été contraints de se conformer en tout aux ordres de leur souverain.

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