Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/187

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onnent pas dans les autres, finissent bientôt par être émus et attendris de tous ces bons procédés. Ils prennent au sérieux toutes les paroles de dévouement et de fraternité qu'on leur débite, et se persuadent enfin qu'ils ont eu le bonheur de rencontrer des gens de confiance. Convaincus d'ailleurs de leur peu d'habileté pour les affaires commerciales, ils sont enchantés de trouver des frères, des Ahatou, comme ils disent, qui veulent bien se charger de vendre et d'acheter à leur place ; un bon dîner gratis, qu'on leur sert dans l'arrière-boutique finit toujours par les persuader du dévouement de la clique chinoise. Si ces gens- là étaient intéressés, se dit le Tartare avec ingénuité, $'ils voulaient me voler, ils ne me donneraient pas un si bon dîner gratis, ils ne feraient pas de si grandes dépenses pour moi.

C'est ordinairement pendant ce premier dîner, que les Chinois mettent en jeu tout ce que leur caractère renferme de méchanceté et de fourberie. Une fois qu'ils se sont emparés de ce pauvre Tartare, ils ne le lâchent plus ; ils lui servent de l'eau-de-vie avec profusion, ils lui en font boire jusqu'à l'ivresse. Ils le gardent ainsi trois ou quatre jours dans leur maison, ne le perdent jamais de vue, le faisant fumer, boire et manger, pendant que les commis de la boutique vendent, comme ils l'entendent, ses animaux, et lui achètent les objets dont il peu avoir besoin ; ordinairement, ils lui font payer les marchandises au prix double, et quelquefois triple de la valeur courante. Malgré cela ils ont toujours le talent infernal de persuader à ce malheureux, qu'on lui fait faire un commerce très-avantageux. Aussi, quand il s'en retourne dans sa Terre des