Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/8

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frère que nous fîmes le premier pas dans ces contrées inhospitalières. Les habits que portait M. Perboyre quand il fut mis à mort, venaient de nous être envoyés à la Procure de Macao, et nous eûmes l’audace, nous pauvre Missionnaire, de nous revêtir de ces précieuses reliques fraîchement rougies du sang d’un martyr.

Nous traversâmes la ville de Canton toute remplie de soldats tartares et chinois qui préparaient leurs inutiles stratagèmes contre les canons de la Compagnie des Indes. Après trois mois de courses au sein de ces grandes et curieuses provinces, nous arrivâmes à Péking, pénétrés de reconnaissance envers Dieu, mais en même temps stupéfaits d’avoir échappé à tant de dangers, et de nous trouver dans la capitale de ce merveilleux empire. Ce peuple, à part dans le monde, et dont la vieille civilisation étonne tant les jeunes nations de l’Europe, n’était plus pour nous un peuple séquestré de l’humanité et enveloppé de ténèbres : nous vivions au milieu de lui, nous le touchions de nos mains, et nous respirions son air. Ses arts, son industrie, la singularité de ses mœurs et de ses habitudes, sa langue monosyllabique avec ses bizarres caractères que nous commencions à déchiffrer, son génie commercial et agricole, tout cela se manifestait à nous par degrés, et nous jetait dans un étonnement profond. Il est cependant une chose qui, par-dessus tout, pénétra notre âme de vives et impérissables émotions. En