Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/141

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et pesant, et la neige se mit à tomber par gros flocons. Nous attendions avec impatience le retour du bègue. Le pauvre malheureux nous revint sur le soir, tout transi de froid et brisé de fatigue. Nous l'invitâmes à se reposer un instant dans notre cellule ; nous lui servîmes du thé au lait et quelques pains frits au beurre. — La journée a été terrible, nous dit-il. — Oui, le vent a soufflé de ce côté-ci avec assez de violence. — Je crois pourtant que ce n'était rien, en comparaison de ce que nous avons ressenti sur le sommet de la montagne ; la tente, la marmite, tout a été emporté dans un tourbillon ; nous avons été obligés de nous coucher à plat ventre pour n'être pas nous-mêmes enlevés. — C'est bien fâcheux que vous ayez perdu votre tente et votre marmite. — C'est vrai, c'est un malheur. Cependant il faut avouer que le temps était très-favorable pour envoyer des chevaux aux voyageurs. Quand nous avons vu qu'il allait tomber de la neige, nous les avons fait partir en masse, et le vent les a emportés vers les quatre parties du monde. Si nous avions attendu plus tard, la neige les aurait mouillés, et ils seraient restés collés sur les flancs de la montagne. — Au bout du compte cet excellent jeune homme n'était pas si mécontent de sa journée.

Le vingt-cinq de chaque lune est le jour consacré pour l'envoi des chevaux aux pauvres voyageurs. Celte pratique n'est pas générale ; elle est laissée à la dévotion et au dévouement de chacun. Le vingt-huitième jour est désigné pour un autre genre d'exercice religieux, auquel tous les Lamas doivent prendre part. Dans la journée du vingt-sept, le bègue nous en prévint, en nous disant : La nuit prochaine, nous vous empêcherons peut-être de dormir ;