Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/198

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Nous séjournâmes dans le Koukou-Noor pendant près d'un mois. Des rumeurs continuelles sur le compte des brigands, nous forcèrent à décamper cinq ou six fois, et à suivre les tribus tartares, qui, au moindre bruit, changent de place, sans pourtant s'éloigner jamais trop des magnifiques pâturages qui avoisinent la mer Bleue.

Vers la fin du mois d'octobre, l'ambassade thibétaine arriva. Nous nous joignîmes à cette immense troupe, grossie en route par un grand nombre de caravanes mongoles, qui, comme nous, profitaient de cette excellente occasion pour faire le voyage de Lha-Ssa. Autrefois, le gouvernement thibétain envoyait, tous les ans, une ambassade à Péking. Celle de 1840 fut attaquée en route par un grand nombre de Kolo ; on se battit pendant une journée tout entière ; les Thibétains ayant été assez heureux pour mettre en fuite les brigands, continuèrent leur route pendant la nuit. Le lendemain, on s'aperçut qu'on n'avait plus dans la caravane le Tchanak-Kampo (1)[1] ou Grand-Lama, accrédité près la cour de Péking, en qualité d'ambassadeur du Talé-Lama. Durant plusieurs jours, on fit des perquisitions, sans qu'on pût le retrouver ; on pensa que, dans la confusion du combat, il aurait bien pu être pris par les Kolo et emmené prisonnier. L'ambassade n'en continua pas moins sa route, et arriva à Péking sans son personnage officiel. Il va sans dire que l'Empereur fut désolé de ce funeste événement.

  1. (1) Tchanak, nom que les Thibétains donnent à la ville de Péking : Kampo, pontife, c'est-à-dire pontife de Péking.