Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des dépêches dans lesquelles il est enjoint au grand Mandarin de la ville de s'entendre avec le supérieur de la lamaserie de Kounboum, et d'empoigner l'Altère-Lama, accusé de se livrer depuis trois ans à des escroqueries de tout genre, au moyen de certaines lettres de recommandation faussement attribuées au Talé-Lama. Il fut fait ainsi qu'il avait été ordonné par sa majesté impériale. On comprend quelle dut être la stupéfaction de ce pauvre Altère-Lama, et surtout de ses quatre disciples, qui, dans toute cette affaire, avaient été d'une candeur vraiment admirable. Cette ambassade, sur la protection de laquelle on avait tant compté, avait été chargée, par le gouvernement thibétain, de chercher à s'emparer du grand quêteur, dont les merveilleux succès avaient été divulgués à Lha-Ssa par les bouches indiscrètes des pèlerins.

L'Altère-Lama, ayant été arrêté sans coup férir, fut immédiatement expédié sous bonne escorte pour Lha-Ssa. On lui fit suivre, par la province du Sse-Tchouan, la route des courriers de l'Empereur. Arrivé dans la capitale du Thibet, son affaire devait être examinée par ses juges naturels. En attendant, sa prodigieuse recette demeurait confisquée au profit du Talé-Lama ; car rien de plus juste que de le mettre en possession de l'or et de l'argent qui avaient été prélevés grâce à la toute-puissante influence de son nom. Pour ce qui est des quatre disciples du grand quêteur, il fut arrêté qu'ils attendraient l'ambassade thibétaine, et qu'ils s'en retourneraient avec elle, emmenant cinquante huit magnifiques chameaux que s'était procuré l'Altère-Lama, et dont le gouvernement thibétain disposerait à leur arrivée à Lha-Ssa.