Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/209

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Le lendemain du passage du Pouhain Gol, après avoir marché pendant une partie de la nuit, nous remarquâmes sur un de nos chameaux deux gros paquets soigneusement enveloppés, et que nous n'avions pas encore vus. Noua pensâmes que quelque voyageur, n'ayant pu les placer commodément sur ses bêtes de somme, avait prié Charadchambeul de s'en charger pour la journée ; et là dessus, nous continuâmes paisiblement notre route, sans plus nous occuper de cette particularité. Quand nous fûmes arrivés au campement, aussitôt qu'on eut mis bas les bagages, nous vîmes avec suprise notre Lama des monts Ratchico prendre ces deux paquets, les envelopper mystérieusement d'un tapis de feutre, et puis aller les cacher au fond de la tente. Evidemment, cette conduite provoquait des explications. Nous demandâmes à Charadchambeul quel était ce nouveau bagage qu'on voyait dans la tente. Il s'approcha de nous et nous répondit à voix basse, comme craignant d'être entendu, que, pendant la nuit, Bouddha lui avait fait une faveur, qu'il lui avait fait trouver, sur le chemin, une bonne chose. Puis il ajouta, en souriant malicieusement, qu'à Lha-Ssa cette bonne chose se vendrait bien dix onces d'argent .... Ces paroles nous firent froncer le sourcil, et nous demandâmes à voir cette bonne chose. Charadchambeul ferma d'abord avec soin la porte de la tente, puis il dépouilla avec émotion sa prétendue trouvaille. C'étaient deux grandes jarres en cuir fondu, contenant une espèce d'eau-de-vie qu'on distille dans la province du Kan-Sou, et qui se vend assez cher. Sur ces deux jarres, il y avait des caractères thibétains, qui indiquaient le nom très connu du propriétaire. Nous eûmes la charité