Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quelques paroles creuses. Dès ce moment, il nous voua une haine implacable. Il ne s'acquitta plus que par boutades du travail qui lui était confié ; il se plut à gaspiller nos provisions de bouche ; tous les jours, il nous abreuva d'outrages et de malédictions ; et souvent sa rage se tournant contre les animaux, il les frappait horriblement sur la tête, au risque de les assommer. Renvoyer ce malheureux était chose impossible au milieu du désert. Nous dûmes nous armer de patience et de résignation, et veiller à ne pas irriter davantage ce caractère farouche et indompté.

Après cinq jours de marche depuis le passage du Pouhain-Gol, nous arrivâmes au Toulain-Gol, rivière étroite et peu profonde, que nous traversâmes sans obstacle. La caravane s'arrêta ensuite non loin d'une lamaserie, qui paraissait avoir été assez florissante, mais qui, en ce moment, était entièrement déserte. Les temples et les cellules des Lamas tombaient en ruine de toutes parts, Des chauves-souris et des rats énormes en avaient fait leur demeure. On nous dit que ce couvent bouddhique avait été assiégé durant trois jours par les brigands, qu'ils s'en étaient enfin rendus maîtres, et qu'après avoir massacré un grand nombre de ses habitants, ils l'avaient livré au pillage et à la dévastation. Depuis cette époque, aucun Lama n'avait plus osé venir s'y fixer. Cependant le pays n'était pas entièrement désert, comme nous l'avions d'abord pensé. En nous promenant à travers les collines rocheuses des environs, nous découvrîmes quelques troupeaux de chèvres et trois misérables tentes cachées dans les creux des ravins. Ces pauvres bergers sortirent, pour nous demander l'aumône de quelques feuilles de thé et d'un peu de tsamba.