Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/217

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n'ont pas eu encore la pensée de s'y établir pour venir au secours des pauvres voyageurs. Nous dûmes donc dresser notre tente au milieu de la neige, et puis aller à la découverte des argols. C'était un spectacle vraiment digne de pitié, que de voir cette multitude errant de toutes parts, et fouillant avec ardeur dans la neige, dans l'espoir d'y trouver ensevelie quelque vieille bouse de bœuf. Après de longues et pénibles recherches, nous eûmes tout juste ce qu'il fallait de chauffage pour faire fondre trois gros morceaux de glace, que nous fûmes obligés d'extraire, à grands coups de hache, d'un étang voisin. Notre feu n'étant pas assez ardent pour faire bouillir la marmite, nous dûmes nous contenter de pétrir notre tsamba dans de l'eau tiède, et de l'avaler à la hâte, de peur de le voir se glacer entre nos doigts. Ce fut là tout le souper que nous eûmes après cette affreuse journée. Nous nous roulâmes ensuite dans notre peau de bouc et dans nos couvertures, et nous attendîmes, blottis dans un coin de la tente, le coup de canon qui devait nous faire reprendre le cours de nos impressions de voyage.

Nous laissâmes dans ce campement pittoresque et enchanté, les soldats tartares qui nous avaient escortés depuis notre départ de Koukou-Noor ; ils ne pouvaient nous continuer plus loin leur généreuse protection ; car le jour même, nous allions quitter la Tartarie pour entrer dans le territoire du Thibet antérieur. Les soldats chinois et tartares une fois partis, l'ambassade n'avait plus à compter que sur les ressources de sa valeur intrinsèque. Comme nous l'avons déjà dit, cette grande troupe de deux mille hommes était complètement armée ; et tout le monde, à