Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/22

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voyageurs, nous sommes tous des gens éloignés de notre famille ; est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de délibérer ensemble tout doucement, et de nous arranger en frères ? — Oui, c'est cela, dîmes-nous ; les hommes doivent toujours s'arranger en frères, voilà le vrai principe ; quand on voyage on doit savoir vivre entre voyageurs, quand tout le monde se gêne un peu, est-ce que tout le monde ne finit pas par être à son aise ? — Excellente parole ! excellente parole !... et les salutations les plus profondes recommencèrent de part et d'autre.

Après ce court entretien, qui avait amené une parfaite réconciliation, nous délibérâmes à l'amiable sur la manière de nous arranger tous dans l'Auberge des cinq Félicités : il fut convenu que nous garderions la chambre où nous étions déjà installés, et que nous attacherions nos chameaux dans un coin de la cour, de manière qu'ils ne pussent pas effaroucher les chevaux du Mandarin. L'estafette devait disposer à sa fantaisie de tout le reste. Nous nous hâtâmes de détacher nos chameaux de devant la porte de notre chambre, et nous les plaçâmes selon qu'il avait été réglé. Comme le soleil venait de se coucher, on entendit le bruit du cortège qui arrivait. Les deux battants du grand portail s'ouvrirent solennellement, et une voiture traînée par trois mulets vint s'arrêter au milieu de la cour de l'auberge ; elle était escortée par un grand nombre de cavaliers. Sur la voiture était assis un homme d'une soixantaine d'années, à moustaches et barbe grises, et coiffé d'une espèce de capuchon rouge ; c'était le grand Mandarin. A son entrée, il avait parcouru d'un œil vif et rapide l'intérieur de l'auberge ; en nous apercevant, en remarquant