Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/238

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objets qui viennent de Péking sont très-estimes par les Thibétains, et surtout par ceux qui en sont encore à la vie pastorale et nomade. Aussi les marchands qui accompagnent l'ambassade, ont-ils grand soin d'inscrire invariablement sur tous leurs ballots : Marchandises de Péking. Le tabac à priser fait surtout fureur parmi les Thibétains. Tous les bergers nous demandèrent si nous n'avions pas du tabac à priser de Péking. M. Hue, qui était le seul priseur de la troupe, en avait eu autrefois ; mais depuis huit jours, il en était réduit à remplir sa tabatière d'un affreux mélange de terre et de cendres. Ceux qui ont une habitude longue et invétérée du tabac, pourront comprendre tout ce qu'une position pareille avait de triste et de lamentable.

Condamnés depuis plus de deux mois à ne vivre que de farine d'orge délayée dans du thé, la seule vue de nos quartiers de mouton, semblait déjà nous fortifier l'estomac, et rendre un peu de vigueur à nos membres amaigris. Tout le reste de la journée se passa en opérations culinaires. En fait d'épices et d'assaisonnement, nous n'avions que de l'ail, et encore tellement gelé et ridé, qu'il était presque anéanti dans son enveloppe. Nous épluchâmes tout ce qui nous restait, et nous l'insérâmes dans deux gigots, que nous mîmes bouillir dans notre grande marmite. Les argols, qu'on trouvait en abondance dans cette bienheureuse plaine, nous permirent de faire assez bon feu pour cuire convenablement notre inappréciable souper. Le soleil était sur le point de se coucher ; et Samdadchiemba, qui venait d'inspecter un gigot avec l'ongle de son pouce, nous annonçait triomphalement que le mouton était cuit à