Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/25

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qu'au milieu de ces gigantesques entassements de sable, on ne rencontre jamais, nulle part, la moindre trace de végétation. L'aspect monotone de ces immenses sablières n'est interrompu que par les vestiges de quelques petits insectes, qui, dans leurs ébats capricieux et vagabonds, décrivent mille arabesques sur ce sable mouvant et d'une si grande ténuité, qu'on pourrait suivre tous les tours et détours d'une fourmi, sans jamais en perdre les traces. Pour traverser ces montagnes, nous éprouvâmes des peines et des difficultés inexprimables. A chaque pas, nos chameaux s'enfonçaient jusqu'au ventre, et ce n'était jamais que par soubresauts qu'ils pouvaient avancer. Les chevaux avaient encore plus d'embarras, à cause de leurs sabots, qui ont sur le sable moins de prise que les larges pattes des chameaux. Pour nous, forcés d'aller à pied, nous devions être bien attentifs à ne pas rouler du haut de ces montagnes, qui semblaient s'évanouir, sous nos pas, jusque dans le fleuve Jaune, dont nous apercevions les eaux se traîner au dessous de nous. Par bonheur, le temps était calme et serein. Si le vent eût soufflé, certainement nous eussions été engloutis et enterrés vivants sous des avalanches de sable. Les monts Alechan paraissent avoir été formés par les sables, que le vent du nord balaye incessamment devant lui dans le Chamo, ou grand désert de Gobi. Le fleuve Jaune arrête ces inondations sablonneuses, et en préserve la province de Kan-sou. C'est à cette grande quantité de sable qu'il entraîne aux pieds des monts Alechan, que le fleuve doit cette couleur jaunâtre qui lui a fait donner le nom de Hoang-Ho, fleuve Jaune. Au-dessus des monts Alechan, ses eaux sont toujours pures et limpides.