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Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/275

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n'appartenions à aucune de ces catégories, on se mit à nous appeler Azaras blancs. La dénomination était très-pittoresque, et nous plaisait assez : cependant nous ne voulûmes pas l'adopter, sans prendre, par avance, quelques informations. Nous demandâmes donc ce qu'on entendait par Àzara blanc ... Il nous fut répondu que les Azaras étaient les plus fervents adorateurs de Bouddha qu'on connût ; qu'ils composaient une grande tribu de l'Inde, et qu'ils faisaient souvent, par dévotion, le pèlerinage de Lha-Ssa. On ajouta que, puisque nous n'étions ni Thibétains, ni Katchi, ni Péboun, ni Tartares, ni Chinois, nous devions certainement être Azaras. Il y avait seulement à cela un petit embarras ; c'est que les Azaras qui avaient paru avant nous à Lha-Ssa, avaient la figure noire. On avait donc dû, pour résoudre la difficulté, nous appeler Azaras blancs. — Nous rendîmes encore hommage à la vérité, et nous déclarâmes que nous n'étions Azaras d'aucune façon, ni blancs, ni noirs.

Tous ces doutes sur le lieu de notre origine, furent d'abord assez amusants ; mais ils devinrent bientôt graves et sérieux. Des esprits mal tournés allèrent s'imaginer que nous ne pouvions être que Russes ou Anglais ; on finit même assez généralement par nous honorer de cette dernière qualification. On disait, sans trop se gêner, que nous étions des Pélins de Calcutta, que nous étions venus pour examiner les forces du Thibet, dresser des cartes de géographie, et chercher les moyens de nous emparer du pays. Tout préjugé national à part, il était très-fâcheux pour nous qu'on nous prit pour des sujets de Sa Majesté Britannique. Un pareil quiproquo ne pouvait que nous rendre très-impopulaires,