Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/385

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

notre départ. Il nous parut bon de prendre cette mesure de prudence, au moment où nous allions nous engager dans un voyage de mille lieues, à travers des routes affreuses et continuellement bordées de précipices. Nous pensâmes que, si telle était la volonté de Dieu, que nous fussions ensevelis au milieu des montagnes du Thibet, nos amis de France pourraient du moins savoir ce que nous serions devenus.

Ce soir même, Samdadchiemba vint nous faire ses adieux. Depuis le jour où l'ambassadeur chinois avait arrêté de nous faire partir du Thibet, notre cher néophyte nous avait été arraché. Il est inutile de dire combien cette épreuve nous fut dure et pénible ; mais à cette mesure nous ne pouvions, ni le Régent ni nous, opposer aucune réclamation. Samdadchiemba étant originaire de la province du Kan-Sou, dépendait directement de l'autorité chinoise. Quoique notre influence auprès de Ki-Chan ne fût pas très-grande, nous obtînmes de lui pourtant qu'on ne lui ferait subir aucun mauvais traitement, et qu'on le renverrait en paix dans sa famille. Ki-Chan nous le promit, et nous avons su depuis qu'il avait été assez fidèle à sa parole. Le Régent fut plein de bonté pour notre néophyte. Aussitôt qu'il fut séparé de nous, il pourvut à ce que rien ne lui manquât ; il lui fit même donner une assez forte somme d'argent pour faire les préparatifs de son voyage. Avec ce que les circonstances nous permirent d'y ajouter, Samdadchiemba put se faire une petite fortune, et se mettre en état de rentrer convenablement dans sa maison paternelle. Nous lui recommandâmes d'aller, auprès de sa vieille mère, remplir les devoirs qu'imposé la piété filiale, de l'instruire des mystères