Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/391

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de justice et de miséricorde ; tu vivras donc avec eux dans une grande concorde. Garde-toi de jamais contrister leur cœur, soit par parole, soit par action .... Voici encore une chose importante que j'ai à te dire : comme tu as servi l'empire pendant douze ans sur les frontières du Gorkha, j'ai donné ordre au fournisseur de t'envoyer cinq cents onces d'argent ; c'est un cadeau du grand Empereur. — A ces mots, Ly-Kouo-Ngan, trouvant tout à coup dans ses jambes une souplesse inusitée, se précipita à genoux avec impétuosité. — Les bienfaits célestes du grand Empereur, dit-il, m'ont toujours environné de toutes parts ; mais, mauvais serviteur que je suis, comment pourrais-je encore recevoir, sans rougir, une faveur si signalée ? J'adresse de vives supplications à l'ambassadeur, afin qu'il me soit permis de me cacher la face, et de me soustraire à cette grâce imméritée. — Ki-Chan lui répondit : Est-ce que tu t'imagines que le grand Empereur va te savoir beaucoup de gré de ton désintéressement ? Qu'est-ce que c'est que quelques onces d'argent ? Va, reçois ce peu d'argent, puisqu'on te l'offre ; tu en auras pour boire une tasse de thé avec tes amis ; mais quand tu seras là-bas, garde-toi bien de recommencer avec ton eau-de-vie. Si tu es désireux de vivre encore quelques années, tu dois t'interdire l'eau-de-vie. Je te dis cette parole, parce qu'un père et une mère doivent donner de bons conseils à leurs enfants. — Ly-Kouo-Ngan frappa trois fois la terre du front, puis se releva et vint se placer à côté de nous.

Ki-Chan harangua enfin les soldats, et changea de ton pour la troisième fois. Sa voix fut brusque, saccadée, et frisant quelquefois la colère et l'emportement. — Et vous