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Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/452

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établie pour les grandes villes de l'empire et pour les campements en temps de guerre, dès que la nuit fut close, on tira un coup de canon. Mao-Ling n'avait pas osé enfreindre cette règle de la discipline militaire. A peine le canon eut-il retenti, que d'énormes blocs de neige se précipitèrent du haut du ciel sur la montagne. Le Kiang-Kiun et tous ses soldats furent ensevelis dans la neige, sans qu'on ait jamais pu retrouver leurs cadavres : il n'y eut de sauvé que le cuisinier et trois domestiques de Mao-Ling, qui avaient pris les devants, et étaient arrivés le jour même au village où nous sommes actuellement. L'empereur Kang-Hi a créé le Kiang-Kiun Mao-Ling, génie tutélaire de la montagne Wa-Ho, et lui a fait construire cette pagode, à la charge de protéger les voyageurs contre la neige.

Ly-Kouo-Ngan ayant terminé son histoire, nous lui demandâmes quel était l'être puissant qui envoyait cette quantité épouvantable de grêle, de glace et de neige, quand on s'avisait de faire du bruit en traversant le mont Wa-Ho. — C'est tout simple, nous répondit-il ; ce ne peut-être que l'Esprit de la Montagne, le Hia-Ma-Tching-Chin (le crapaud divinisé). — Un crapaud divinisé ! — Mais oui, vous savez que sur le sommet du Wa-Ho, il y a un lac ? — Nous l'avons lu tout à l'heure dans l'Itinéraire. — Hé bien, sur les bords de ce lac, il y a un grand crapaud. On le voit difficilement : mais on l'entend souvent gémir et crier à plus de cent lis à la ronde. Ce crapaud habite les bords du lac depuis l'existence du ciel et de la terre. Comme il n'a jamais quitté ce lieu solitaire, il s'est divinisé, et est devenu Esprit de la montagne. Quand les hommes font du bruit et troublent le silence de sa retraite, il se met en colère contre