Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/466

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à trouver les Thibétains moins souples et moins maniables que de l'autre côté de Tsiamdo. Leur œil devenait plus altier, et leurs manières plus brusques ; par contrecoup, les Chinois de la caravane se faisaient plus humbles, moins exigeants, et s'abstenaient prudemment de parler à l'impératif.

De Pao-Tun à Bagoung, on ne rencontre continuellement, pendant dix lieues, que des montagnes calcaires, entièrement nues et décharnées. On n'y voit ni arbres, ni herbes, pas même des mousses. Dans le bas, on remarque seulement, dans les fissures des rochers, quelques saxifrages pleines de vigueur, et qui semblent protester contre cette désolante stérilité. Une de ces montagnes, que les Chinois nomment Khou-Loung-Chan, c'est-à-dire Montagne trouée, présente un aspect extrêmement bizarre. On y voit un nombre considérable de trous et de cavités, d'une grande variété de forme et de grandeur. Il y a de ces ouvertures qui ressemblent à d'immenses portails. Les plus petites ont la forme de cloches et de lucarnes rondes et ovales. La montagne étant taillée à pic, nous ne pûmes aller visiter ces cavernes. Cependant, nous les approchâmes d'assez près pour pouvoir juger qu'elles sont toutes d'une profondeur considérable. Ces nombreuses cavités, résultant probablement d'anciennes éruptions volcaniques, sont attribuées par les Chinois aux Kouëi, ou mauvais génies. Les Thibétains au contraire prétendent qu'elles ont été creusées par les Esprits tutélaires de la contrée ; que, dans l'antiquité, des Lamas d'une grande sainteté en ont fait leur retraite, qu'ils s'y sont transformés en Bouddha, et qu'à certaines époques de l'année, on entend encore