Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/476

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écuelle, qui fut à l'instant remplie d'une bonne rasade de thé, à la surface duquel flottait une épaisse couche de beurre : c'était un thé de première qualité. Pendant que nous dégustions par petits coups ce brûlant liquide, la châtelaine reparut, portant deux plats en bois doré, chargés, l'un de raisins secs, et l'autre de noix. — Voilà des fruits de notre pays, nous dit Proul-Tamba ; ils viennent dans une belle vallée qui est peu éloignée d'ici. Dans le ciel d'occident, y a-t-il des fruits de cette espèce ? — Oui, beaucoup. Oh ! tu ne saurais croire tout le bien que tu nous fais en nous présentant de ces fruits ; car ils nous rappellent notre patrie ... Et, en disant ces mots, nous puisâmes au plat doré, une pincée de raisins. Malheureusement, ils n'étaient remarquables que par une peau âpre et coriace, et par une foule de grains qui craquaient sous la dent comme du gravier. Nous tournâmes nos regards vers les noix, qui étaient d'une magnifique grosseur ; mais, nouvelle déception ! La pulpe se trouvait si solidement enchâssée dans ses durs compartiments, que nous eûmes toutes les peines du monde à en extraire quelques parcelles avec l'extrémité de nos ongles. Nous retournâmes aux raisins secs, puis nous revînmes aux noix, nous promenant ainsi tour à tour d'un plat à l'autre, cherchant toujours, mais toujours vainement, de quoi calmer un peu les récriminations de notre estomac. Nous commencions à être convaincus que madame Proul-Tamba avait voulu nous jouer une mauvaise plaisanterie, lorsque nous vîmes apparaître deux vigoureux Thibétains, portant une nouvelle table, sur laquelle s'élevait un chevreau tout entier, surmonté d'une superbe cuisse de cerf. Cette apparition inattendue