Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/487

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

malgré cela beaucoup d'élasticité. Le chef Bomba nous dit que ces camisoles étaient des armures des temps anciens ; qu'on les avait laissées de côté depuis que l'usage du fusil était devenu général dans leurs contrées. Les Thibétains, comme nous l'avons dit, sont trop indifférents en matière de chronologie, pour qu'ils puissent assigner l'époque où ils ont commencé à se servir des armes à feu. Il est présumable pourtant qu'ils n'auront connu la poudre à canon que vers le treizième siècle, du temps des guerres de Tchingghiskhan qui avait, comme on sait, de l'artillerie dans ses armées. Une chose assez remarquable, c'est que, parmi les montagnes du Thibet, aussi bien que dans l'empire chinois et dans les steppes de la Tartarie, il n'est personne qui ne sache fabriquer la poudre ; chaque famille en fait pour son usage. En traversant la province de Kham, nous avons souvent remarqué des femmes et des enfants activement occupés à broyer le charbon, le soufre et le salpêtre. La poudre de ces peuples ne vaut certainement pas celle d'Europe : cependant, quand on en met dans un canon de fusil avec une balle par-dessus, il y a assez de force pour pousser la balle, et l'envoyer tuer des cerfs à la chasse et des hommes à la guerre.

Après cinq jours de repos, nous reprimes notre route : tout en partant, la caravane se mit à gravir la haute montagne d'Angti. Nous ne rencontrâmes ni cheval rouge, ni cavalier blanc ; aucun génie ne nous prit en croupe pour nous emmener dans sa solitude. De tous côtés, nous ne vîmes que de la neige, mais une neige si abondante, que nulle part, même sur les montagnes les plus fameuses, nous n'en avions jamais trouvé une quantité si effroyable.