Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/81

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partout aiment tant à anticiper sur les jours de fête et de réjouissance, commençaient à faire entendre, à l'entrée de la nuit, quelques détonations de pétards. Sandara nous avertit qu'il ne pourrait passer les fêtes du nouvel an à Tang-Keou-Eul, qu'il était obligé de se rendre à la lamaserie, où il avait des devoirs à remplir vis-à-vis de ses maîtres et de ses supérieurs. Il ajouta, que le trois de la première lune, lorsqu'il aurait satisfait à toutes ses obligations, il s'empresserait de revenir, afin de nous continuer ses services. Il nous parla avec une honnêteté exquise, comme pour nous faire oublier les duretés journalières qu'il avait eues à notre égard. Nous n'insistâmes pas sur son retour. Quoique charmés qu'il eût la pensée de revenir, nous ne voulions pas le presser, de peur d'augmenter l'opinion qu'il avait déjà de son importance. Nous lui dîmes que, puisque les convenances l'appelaient à la lamaserie pour le premier de l'an, il devait s'y rendre. Nous lui offrîmes ensuite trois ligatures de sapèques, en lui disant, selon l'usage, que c'était pour boire avec ses amis une tasse de thé bien coloré. Pendant quelques minutes, il fit semblant de ne pas vouloir les accepter. Nous dûmes pour lors faire violence à sa délicatesse, et il se résigna enfin à les mettre dans son sac. Nous lui prêtâmes le petit mulet de Samdadchiemba, et il partit.

Les derniers jours de l'année sont ordinairement, pour tous les Chinois, des jours de violence et d'irritation. C'est à cette époque que chacun règle ses comptes, et que l'on va harceler les débiteurs, pour essayer d'en obtenir quelque chose. Tous les Chinois sont à la fois, créanciers et débiteurs. Il résulte de là que tout le monde se cherche, tout