Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/91

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Quand nous eûmes terminé notre modeste déjeuner, nous sortîmes pour aller emprunter un logement. Sandara-le-Barbu nous précédait, portant gravement entre ses deux mains le fameux plat de quatre poires. Cette démarche était pour nous si singulière, que nous en étions tout honteux. Il nous semblait que tout le monde avait les yeux fixés sur nous. Cependant il n'en était rien ; les Lamas que nous rencontrions sur notre passage, passaient silencieusement leur chemin, sans tourner la tête, sans faire aucune attention à nous. Les petits chabis, légers et espiègles comme sont partout les écoliers, étaient les seuls qui parussent se préoccuper de nos personnages. Enfin, nous entrâmes dans une maison. Le maître était dans la cour, occupé à étendre au soleil du fumier de cheval. Nous ayant aperçus, il s'enveloppa promptement de son écharpe, et entra dans sa cellule. Nous l'y suivîmes, et Sandara lui offrit le khata et le plat de poires, accompagnant le tout d'une harangue en thibétain oriental, dont nous ne comprîmes pas un seul mot. Pendant ce temps, nous nous tenions modestes et recueillis, comme de pauvres malheureux qui n'ont pas même la capacité de solliciter eux-mêmes une faveur. Le Lama nous fit asseoir sur un tapis, nous offrit une tasse de thé au lait, et nous dit en langue mongole, qu'il était heureux que des étrangers venus de si loin, que des Lamas du ciel d'occident, eussent daigné jeter leurs regards sur sa chétive habitation .... S'il eut compris le français, c'eût été le cas de répondre : Monsieur, il n'y a pas de quoi ... Mais comme il fallait parler mongol, nous lui dîmes qu'en effet nous étions de bien loin, que cependant on retrouvait, en quelque sorte, sa