Page:Hugo Œuvres complètes tome 5.djvu/30

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» Les motifs que les familiers de la police ont murmurés pendant quelques jours autour de nous, pour expliquer la prohibition de cette pièce, sont de trois espèces : il y a la raison morale, la raison politique, et, il faut bien le dire aussi, quoique cela soit risible, la raison littéraire. Virgile raconte qu’il entrait plusieurs ingrédients dans les foudres que Vulcain fabriquait pour Jupiter. Le petit foudre ministériel qui a frappé ma pièce, et que la censure avait forgé pour la police, est fait avec trois mauvaises raisons tordues ensemble, mêlées et amalgamées, tres imbris torti radios. Examinons-les l’une après l’autre.

» Il y a d’abord, ou plutôt il y avait, la raison morale. Oui, messieurs, je l’affirme, parce que cela est incroyable, la police a prétendu d’abord que le Roi s’amuse était, je cite l’expression, une pièce immorale. J’ai déjà imposé silence à la police sur ce point. Elle s’est tue, et elle a bien fait. En publiant le Roi s’amuse, j’ai déclaré hautement, non pour la police, mais pour les hommes honorables qui veulent bien me lire, que ce drame était profondément moral et sévère. Personne ne m’a démenti, et personne ne me démentira, j’en ai l’intime conviction au fond de ma conscience d’honnête homme. Toutes les préventions que la police avait un moment réussi à soulever contre la moralité de cette œuvre sont évanouies à l’heure où je parle. Quatre mille exemplaires du livre, répandus dans le public, ont plaidé ce procès chacun de leur côté, et ces quatre mille avocats ont gagné ma cause. Dans une pareille matière, d’ailleurs, mon affirmation suffisait. Je ne rentrerai donc pas dans une discussion superflue. Seulement, pour l’avenir comme pour le passé, que la police sache une fois pour toutes que je ne fais pas de pièces immorales. Qu’elle se le tienne pour dit. Je n’y reviendrai plus.

» Après la raison morale, il y a la raison politique. Ici, messieurs, comme je ne pourrais que répéter les mêmes idées en d’autres termes, permettez-moi de vous citer une page de la préface que j’ai attachée au drame[1].

  1. Voir la préface, pages 11, 12 et 13.