Page:Hugo Œuvres complètes tome 5.djvu/32

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litique, j’en suis fâché pour lui, on lui a fait faire de la proscription littéraire. Je n’insisterai pas davantage là-dessus. C’est une règle pour moi de m’abstenir des personnalités et des noms propres pris en mauvaise part, même quand il y aurait lieu à de justes représailles. D’ailleurs cette toute petite manigance littéraire m’inspire infiniment moins de colère que de pitié. Cela est curieux, voilà tout. Le gouvernement prêtant main-forte à l’Académie en 1832 ! Aristote redevenu loi de l’état ! une imperceptible contre-révolution littéraire manœuvrant à fleur d’eau au milieu de nos grandes révolutions politiques ! des députés qui ont déposé Charles X travaillant dans un petit coin à restaurer Boileau ! quelle pauvreté !

» Ainsi, messieurs, en admettant pour un instant, ce qui est si invinciblement contesté par nous, que le ministère ait eu le droit d’arrêter le Roi s’amuse, il n’a pas une raison raisonnable à alléguer pour l’avoir fait. Raisons morales, nulles ; raisons politiques, inadmissibles ; raisons littéraires, ridicules. Mais y a-t-il donc quelques raisons personnelles ? Suis-je un de ces hommes qui vivent de diffamation et de désordre, un de ces hommes chez lesquels l’intention mauvaise peut toujours être présupposée, un de ces hommes qu’on peut prendre à toute heure en flagrant délit de scandale, un de ces hommes enfin contre lesquels la société se défend comme elle peut ? Messieurs, l’arbitraire n’est permis contre personne, pas même contre ces hommes-là, s’il en existe. Assurément je ne descendrai pas à vous prouver que je ne suis pas de ces hommes-là. Il est des idées que je ne laisse pas approcher de moi. Seulement j’affirme que le pouvoir a eu tort de venir se heurter à celui qui vous parle en ce moment, et je vous demande la permission, sans entrer dans une apologie inutile, et que nul n’a droit de me demander, de vous redire ici ce que je disais il y a peu de jours au public[1].

» Messieurs, je me résume. En arrêtant ma pièce, le ministre n’a,

  1. Voir la préface, pages 10 et 11.