Page:Hugo Œuvres complètes tome 5.djvu/93

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Demi-nue et charmante, et dont il voudrait bien,
Qui le laisse jouer sur son lit, comme un chien ! —
Aussi, mes beaux seigneurs, mes railleurs gentilshommes,
Hun ! comme il vous hait bien ! quels ennemis nous sommes !
Comme il vous fait parfois payer cher vos dédains !
Comme il sait leur trouver des contre-coups soudains !
Il est le noir démon qui conseille le maître.
Vos fortunes, messieurs, n’ont plus le temps de naître,
Et, sitôt qu’il a pu dans ses ongles saisir
Quelque belle existence, il l’effeuille à plaisir !
— Vous l’avez fait méchant ! — Ô douleur ! est-ce vivre ?
Mêler du fiel au vin dont un autre s’enivre,
Si quelque bon instinct germe en soi, l’effacer,
Étourdir de grelots l’esprit qui veut penser,
Traverser, chaque jour, comme un mauvais génie,
Des fêtes qui pour vous ne sont qu’une ironie,
Démolir le bonheur des heureux, par ennui,
N’avoir d’ambition qu’aux ruines d’autrui,
Et contre tous, partout où le hasard vous pose,
Porter toujours en soi, mêler à toute chose,
Et garder, et cacher sous un rire moqueur
Un fond de vieille haine extravasée au cœur !
Oh ! je suis malheureux ! —
Oh ! je suis malheureuxSe levant du banc de pierre où il est assis.
Oh ! je suis malheureux ! —Mais ici, que m’importe ?
Suis-je pas un autre homme en passant cette porte ?
Oublions un instant le monde dont je sors.
Ici je ne dois rien apporter du dehors.