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même sur des bourgeois qui se croient chrétiens ! C’est cette idée-là que Hugo roule dans son poème, au milieu de beaucoup d’autres, aussi bourgeoises, sur les papes, les rois, les richesses de l’Église, l’infaillibilité. Mais c’est cette idée, entre toutes, qui fait la portée de son poème, et c’est cette magnifique stupidité qui l’emporte, en force et en influence, sur son talent.

… Littérairement, et à ne voir son Pape que comme une œuvre de l’esprit pure du déshonneur du pamphlet, on se demande ce que c’est et comment on pourrait classer cette composition, qui n’est un poème que parce qu’elle est en vers, et qui est dialoguée comme un drame, sans être un drame. Cela mérite-t-il de s’appeler une œuvre, cet almanach poétique de cent vingt-neuf pages, sans compter les blancs ?… Quand on se permet d’être si court, il faut, il faudrait être bien plein. Quand on ne pousse qu’un cri, il doit être sublime. De quel nom ces petites choses-là, quand on les publie isolées, peuvent-elles se nommer en littérature ?

La France.

Maurice TALMEYR.

(3 juin 1878.)

Il est difficile d’imaginer une conception qui joigne, au même degré, la simplicité à l’immensité. Le pape s’endort, fait un songe, se réveille ; le pontife romain traverse, dans son sommeil, toutes les questions qui se meuvent dans la sphère céleste de l’esprit humain. C’est la traversée d’une âme dans l’idéal, et l’âme, dégagée dans le rêve des appétits sanglants du prince, et des corruptions pesantes de l’homme, épurée, transformée, délivrée de ses liens et rendue à ses ailes, vole d’un tel essor, et vers des hauteurs si lumineuses que ce voyage à travers les problèmes de la conscience universelle ressemble au voyage d’un ange à travers les astres. L’œuvre de Victor Hugo est simple de la simplicité du firmament.

… Nulle part, Victor Hugo n’a donné aux figures colossales qui dominent son œuvre une voix dont le retentissement remplisse un plus vaste horizon.

Le Pape est un rayonnement qui finit par un éclair.

Le Pape rentre dans le cycle ouvert par les Châtiments, puis encore élargi par la Légende des siècles. Rien d’aussi divinement doux, rien d’aussi formidablement foudroyant.

Oserait-on mettre en parallèle le banal procédé d’après lequel Racine envoie à Athalie un rêve scrupuleusement copié dans Ronsard, avec la manière inattendue, la façon souveraine selon lesquelles Victor Hugo endort et réveille le pape ? Lady Macbeth elle-même, errant sinistrement dans son sommeil et cherchant sur sa main, pour l’effacer, l’ineffaçable petite tache rouge, est peut-être une création moins éblouissante que ce Borgia mystérieux rêvant qu’il porte les sublimes haillons du Christ, et tentant d’effacer de l’azur la tache de sang et d’ombre que les prêtres ont faite au ciel.


II
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.


Le Pape. — Paris, Calmann-Lévy, éditeur, ancienne maison Michel Lévy frères (imprimerie A. Quantin), 8 juin 1878, in-8o, couverture imprimée. Edition originale, publiée à 4 francs.


Le Pape. — Paris, Calmann-Lévy, éditeur, ancienne maison Michel Lévy frères (imprimerie A. Quantin), 1878, in-18, couverture imprimée. Première édition in-18, publiée à 1 franc.


Le Pape… — Édition définitive. Poésie XIII. Paris, J. Hetzel et C", rue Jacob, no 18 ; A. Qijantin, rue Saint-Benoît, n" 7 (imprimerie J. Claye), 1881, in-8% couverture imprimée. Prix : 7 fr. 50 le volume.


Le Pape… — Petite édition définitive Hetzel-Quantin, in-16, s. d., à 2 francs le volume.

Le Pape… — Édition collective. Œuvre