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L’ÉPÉE.

PRÊTRE-PIERRE.

C’est d’en haut que nous vient l’impulsion. Tout flotte.
Tout, la vague et son bruit, l’esquif et son orgueil,
Passe.

SLAGISTRI.

Passe. Oui, ce peuple est l’onde, et moi je suis l’écueil.

PRÊTRE-PIERRE.

Écoute. J’ai les yeux pleins de pleurs, quand je pense,
Devant ta vieillesse âpre, à ta charmante enfance.
Hélas ! un père est fait pour aimer, et le cœur,
Quand il faut qu’il se ferme, est tristement vainqueur.

SLAGISTRI.

Je le sais.

ALBOS, se tournant vers Prêtre-Pierre.

Je le sais. Père !

SLAGISTRI.

Je le sais. Père ! Hélas !

PRÊTRE-PIERRE, toujours tourné vers Slagistri.

Je le sais. Père ! Hélas ! Le père, après Dieu, crée.
Je t’ai congédié de la maison sacrée
Où mon père naquit, où ma mère mourut.
Depuis ce jour, en moi d’heure en heure décrut
La sainte joie, appui de l’aïeul qui décline.
Mon fils de moins faisait ma vieillesse orpheline.

ALBOS, à Prêtre-Pierre, joignant les mains.

Mon père !

PRÊTRE-PIERRE, continuant.

Mon père ! Et maintenant, c’est moi le suppliant.
Ô Slagistri, ton père, en un jour effrayant,
T’a mis hors de son toit, mais non hors de son âme.
De tous les maux du père un fils est le dictame ;