Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Actes et Paroles, tome I.djvu/278

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268 AVANT L’EXIL. — CONGRÈS DE LA PAIX. tique ? cette idée sainte est-elle une idée réalisable ? Beaucoup d’esprits positifs, comme on parle aujourd’hui, beaucoup d’hommes politiques vieillis, comme on dit, dans le maniement des affaires, répondent : Non. Moi, je réponds avec vous, je réponds sans hésiter, je réponds : Oui ! [applaudissements) et je vais essayer de le prouver tout à l’heure. Je vais plus loin 5 je ne dis pas seulement : C’est un but réalisable, je dis : C’est un but inévitable i on peut en retarder ou en hâter l’avènement, voilà tout. La loi du monde n’est pas et ne peut pas être distincte de la loi de Dieu. Or, la loi de Dieu, ce n’est pas la guerre, c’est la paix, {applaudissements.) Les hommes ont commencé par la lutte, comme la création par le chaos. {Bravo ! bravo !) D’où viennent-ils ? De la guerre j cela est évident. Mais où vont-ils ? A la paix j cela n’est pas moins évident. Quand vous affirmez ces hautes vérités, il est tout simple que votre affir- mation rencontre la négation j il est tout simple que votre foi rencontre l’incrédulité j il est tout simple que, dans cette heure de nos troubles et de nos déchirements, l’idée de la paix universelle surprenne et choque presque comme l’apparition de l’impossible et de l’idéal j il est tout simple que l’on crie à l’utopie j et, quant à moi, humble et obscur ouvrier dans cette grande œuvre du dix-neuvième siècle, j’accepte cette résistance des esprits sans qu’elle m’étonne ni me décourage. Est-il possible que vous ne fassiez pas détourner les têtes et fermer les yeux dans une sorte d’éblouissement, quand, au milieu des ténèbres qui pèsent encore sur nous, vous ouvrez brusquement la porte rayonnante de l’avenir ? ( Applaudissements.) Messieurs, si quelqu’un, il y a quatre siècles, à l’époque où la guerre existait de commune à commune, de ville à ville, de province à province, si quelqu’un eût dit à la Lorraine, à la Picardie, à la Normandie, à la Bretagne, à l’Auvergne, à la Provence, au Dauphiné, à la Bourgogne : Un jour viendra où vous ne vous ferez plus la guerre, un jour viendra où vous ne lèverez plus d’hommes d’armes les uns contre les autres, un jour viendra où l’on ne dira plus : — Les normands ont attaqué les picards, les lorrains ont repoussé les bourguignons. Vous aurez bien encore des différends à régler, des intérêts à débattre, des contestations à résoudre, mais savez-vous ce que vous mettrez à la place des hommes d’armes ? savez-vous ce que vous mettrez à la place des gens de pied et de cheval, des canons, des fauconneaux, des lances, des piques, des épées ? Vous mettrez une petite boîte de sapin que vous appellerez l’urne du scrutin, et de cette boîte il sortira, quoi ? une assemblée ! une assemblée en laquelle vous vous sentirez tous vivre, une assemblée qui sera comme votre âme à tous, un concile souverain et populaire qui décidera, qui jugera, qui résoudra tout en loi, qui fera tomber le glaive