Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome I.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme de Salvandy avait lord Normanby à sa droite et M. Gay-Lussac à sa gauche ; M. de Salvandy avait à sa droite M. Dupin et à sa gauche M. de Rémusat.




V


Le 18 janvier 1847, il y eut un bal chez Mme la duchesse de Galliera. Le feu prit. Voilà la fumée partout. On crie au feu ! Chacun songe à l’incendie de la princesse de Schwartzenberg. Panique. C’est à qui se sauvera. C’est à qui sauvera. Les cavaliers emportent les femmes évanouies. Les maris s’effarent et tremblent qu’on ne sauve leurs femmes. Les valses s’achèvent en dévouements. On voit M. Molé emporter dans ses bras Mme de Castellane. Un moment après quelqu’un arrive et dit à Mme de Girardin : — Où est M. Molé ? Avez-vous vu M. Molé ? — Mme de Girardin, qui regardait le feu et ne s’étonnait pas, répondit tranquillement : — Je viens de le voir occupé à sauver quelque chose d’affreux.

La maison était un hôtel de la rue d’Astorg appartenant au marquis d’Aligre. Mme de Galliera avait chez elle la Madeleine de Canova qui ne courut aucun risque et un admirable tableau de Murillo qui un moment fut exposé. M. de Niewerkerque s’écria : Sauvez le Murillo ! et en oublia Mme la princesse Mathilde Demidoff.

Il y avait un « invité » qui poussait beaucoup à la démolition de la maison. C’était M. Visconti, architecte.

M. le duc de Montpensier ne voulut pas s’en aller quoiqu’on lui dît :

Mais, Monseigneur, c’est l’heure ou Votre Altesse se retire d’habitude. — Il y eut un moment de danger. Une salle en planches bâtie dans le jardin faillit prendre feu. Quand le feu fut éteint, les trois quarts des invités étaient partis. Il ne restait plus qu’une salle non brûlée et quelques danseurs intrépides qui se remirent à valser avec les danseuses qu’ils avaient sauvées. Mme la duchesse de Maillé entra dans ce salon et dit : — Je viens voir danser le bataillon sacré.




VI


Hier 5 février, j’étais aux Tuileries. Il y avait spectacle. Après l’opéra, tout le monde alla dans les galeries où était dressé le buffet, et l’on se mit à causer.